For the sin of swallowing the sun.

Noir et Blanc

Yume Nikki - 24/02/2015

2,579 mots.

    Elle vient leur apporter les couleurs. Une bonne intention qui tourne au drame.

Commentaire de l'auteur.e:
/!\Cette fanfiction contient des spoils du jeu Yume Nikki. je vous invite à découvrir la fin du RPG e à vous familiariser avec l'univers par vous-mêmes avant de la lire./!\ (D'ailleurs ça pourrait être drôle, un novice qui lit cette fic... Je suis sûre qu'il comprendrait rien.)

Cela fait très longtemps que j'ai joué à Yume Nikki, j'ai donc eu le temps de dépasser ma tristesse pour cette fin... AH MADOTSUKI POURQUOI TT_TT Cette fanfiction est en quelque sorte ma théorie sur le jeu, et je dois dire que c'est plutôt glauque... Arriverez-vous à la deviner ?

Disclaimer : L'univers et les personnages appartiennent à Kikiyama (l'espèce de sadique, là !)

_______

« Tu vois, dans ce monde, il y a deux choses qui régissent tout : le blanc et le noir. Ce désert est blanc et les ombres en sont noires, ici il fait noir et nous sommes blanches. Le chemin est blanc, la lumière est blanche. Mais il fait noir.
- Mais alors, il n'existe rien d'autre ?
- Ecoute-moi, Monoko. Si tu fermes les yeux, que vois-tu ?
- … Noir, grande sœur, c'est noir.
- Et lorsque tu les rouvres, qu'est-ce donc ?
- … Noir aussi. Oh, grande sœur, pourquoi est-ce noir ?
- À l'extérieur tout est blanc, mais nous vivons dans le noir. Sais-tu pourquoi, Monoko ?
- Non Monoe, je ne sais pas, je ne veux pas savoir...
- Prends ma main, Monoko, ne la lâche pas.
- Grande sœur... Je veux voir des couleurs... Je veux voir... »

Une lumière blanche vint éclairer l'entrée du tunnel et un cri hideux retentit. Quelqu'un était-il mort ? Monoe s'évapora et sa cadette se figea. Que serait-ce ? Noir ou blanc ? Blanc ou noir ? Noir ? Blanc ?

Quelque chose déboucha sur le chemin. Quelque chose que Monoko n'avait jamais vu. Ce nétait pas blanc. Ce n'était pas noir. C'était... C'était...

Le quelque chose avança vers elle et la fillette retint son souffle. C'était méchant ? Ca mordait ? Non, ça n'avait pas l'air agressif, d'ailleurs Monoko se sentait bien, comme... heureuse que cette chose soit là. C'était une autre petite fille ? Mais une petite fille ni noire ni blanche ?

L'autre petite fille étendit la main et la blanche se raidit. Elle n'aimait pas qu'on la touche. Pourtant, lorsque les doigts de la ni noire ni blanche se posèrent sur son épaule, Monoko ressentit un doux éclair la traverser et ferma les yeux.

*

Monoe réapparut.

« Tout va bien, Monoko ? Qu'était-ce ? »

L'aînée s'étonna des yeux clos de sa cadette.

« Monoko ? …
- Grande sœur... J'ai vu... J'ai vu les couleurs... »

___________

Blanc. Blanc. Blanc. Blanc.

Tant de fois répété jusqu'à perdre son sens.

Il n'y a rien ici... Que du blanc.

La neige, la neige... Je hais la neige, elle couvre tout de blanc.

J'en ai assez. Partout, où que j'aille, du blanc. Même les sapins sont blancs. L'air, l'air est blanc. L'air est incolore, dites-vous. Ici même l'air est blanc. Même l'espoir est blanc : il n'y a pas d'espoir. Je hais le blanc.

L'hôpital aussi était blanc, et depuis que j'ai vu cette lumière, que du blanc. Alors je dors, je dors pour ne pas voir le blanc. Mais l'intérieur de mes paupières est blanc également. Je suis poursuivie, encerclée par le blanc. Je ne veux plus...

Une silhouette qui s'avance. Je la vois de mon igloo. Normalement elle ne devrait pas se découper sur la neige blanche. Mais cette silhouette n'est pas blanche. Quelque chose. Quelque chose de non-blanc est ici. Ici. Alors...

Je me lève. J'ai le sentiment que mes jambes sont engourdies, molles, blanches. Je tente un pas et m'affaisse. Je ne quitte pas le non-blanc des yeux. Un effort... Je me redresse, je titube, je suis debout. Je tangue vers la silhouette, tends la main... Attends-moi, qui que tu sois. Tu n'es pas blanche, attends-moi...

Je me fiche de ce qu'il m'arrivera ensuite. Voir autre chose, c'est tout ce qui m'importe...

Je suis la chose. Peut-être que si je la touche, alors tout changera...

Elle marche, elle marche, sans s'arrêter et je continue derrière, la tête blanche.

Soudain je ne la vois plus. Tout est de nouveau blanc. Non, non. Non. Des larmes blanches coulent sur mes joues. J'ai vu quelque chose, n'ai-je pas rêvé ? Il existe réellement un être autre que blanc ? Alors pourquoi... ?

J'ai froid, trop froid... J'avise un dôme blanc. Là-bas je pourrai dormir à nouveau, oublier le blanc en vain... Mes jambes se dérobent sous moi et je m'affale dans la poudreuse. Non... Je rampe, tends le bras vers l'igloo, j'avance, centimètre par centimètre. J'atteins l'entrée. Mais j'ai si froid... Je pénètre dans la maison et rampe encore.

Ma tête m'élance, mon corps est mordu de toutes parts par le froid, mes jambes refusent de bouger.

Mon cerveau ne fonctionne plus. Mon cœur se glace.

Ma main se gèle sur une flaque de couleur rose.

Enfin.

__________

Ici, mon vaisseau est l'unique chose blanche. La terre rocheuse est ocre, montagneuse, le ciel est bleu, voire transparent. Je ne parviens même pas à dire s'il y a un ciel.

Et pourtant, je ne vois que mon vaisseau. Il est l'unique blancheur, et l'intérieur est tout blanc. Les tables, les chaises, le lit, le piano, tous blancs. En fait, à part les touches noires du piano, il n'y a que moi qui sois sombre. Mes habits, mes cheveux et mes yeux sont noirs. Ma peau est laiteuse, plus blanche que mon vaisseau.

C'est drôle, un être plus pâle que la carlingue de sa fusée, n'est-ce pas ?

Enfin, c'est un peu ennuyeux aussi.

Cela fait si longtemps que je vis dans un monde blanc que même mes cordes vocales ont viré neige. Ce n'est pas comme si elles m'étaient utiles, après tout il n'y a personne à qui parler ici.

Personne... alors quel est ce son ?

Une porte qui claque, oui c'est cela. Mais comment pourrait-elle claquer sans courants d'air ici ? Des frottements. Non, pas exactement. Des martèlements. Des bruits de pas. Et quelque chose, quelque chose qui vient. Une petite fille débouche dans la pièce. Une petite fille ni noire, ni blanche. Une petite fille qui brille étrangement et qui illumine mon vaisseau de vert, puis de bleu.

Emerveillé, je la regarde. Elle m'a apporté des couleurs ?

Elle semble réfléchir, puis s'éteint et la lumière colorée disparaît. Je me renfrogne, quelle injustice ! Elle avance vers moi, tente de me dire quelque chose. Mais je ne peux plus parler, moi. Elle brille soudain un instant, et se tient devant moi un chat rose. Je veux rire à sa tentative de prise de contact, elle est gentille.

Un moment, puis le chat disparaît et la voilà avec une flûte à la main. Elle entame une mélodie amusante et des notes colorées s'envolent, j'en ai envie de pleurer. Elle range son instrument et j'écarquille les yeux en découvrant un... truc, il n'y pas d'autre mot, dissimuler toute la partie supérieure de son corps. La chose en question passe du vert au rouge, et alors se produit un fait étrange : je ne parviens plus à bouger. Je veux secouer la tête, faire un pas, mais me voilà paralysé. Je commence à paniquer, et si je ne bougeais plus jamais, quand l'objet redevient vert et me rend à nouveau libre de mes mouvements.

Un peu sonné, je contemple tout de même la couleur, quand l'enfant ôte son accessoire et me tourne le dos. J'observe ses vêtements roses, ses cheveux bruns, jamais je n'ai vu autant de couleurs rassemblées dans ma vie.

Elle se dirige vers mon piano, appuie au hasard sur les touches. Il est clair qu'elle ne sait pas en jouer, chaque son qu'elle produit est un pur lancer de dé. Et pourtant ça ne m'énerve pas, au contraire je suis heureux de la voir farfouiller partout. Cela faisait si longtemps que je n'avais pas eu de visite, depuis le tunnel blanc je n'avais plus vu personne. Ca me manquait horriblement.

Elle s'éloigne du clavier, disparaît dans l'autre pièce. Il y a un lit là-bas, va-t-elle se reposer ? Et si elle restait ici pour toujours, ne serait-ce pas merveilleux ? Mais non. Elle n'appartient pas à ce monde, ce serait mal.

Elle revient et je souris. Je tourne la tête et me fige : elle brandit un couteau. Je recule, effrayé, et me cogne contre le mur. Elle s'avance, je me décale à gauche, veux fuir. Elle se rue vers moi, me plante l'arme en plein cœur.

Je baisse les yeux dans le brouillard, et alors... Mes vêtements noirs sont maintenant tachés de rouge. C'est magnifique.

*

Je suis réveillé. Tout est blanc. Mon pull est de nouveau noir Et personne, il n'y a personne. Plus de lumière fluorescente, plus de chat rose, plus de notes colorées, plus de vert qui passe au rouge. Plus elle. Plus elle. Pourquoi ? Je voulais seulement cesser d'être seul...

__________

Noir. Blanc. Noir. Blanc. Noir. Blanc. Noir.

Arrête de jouer avec la lumière ! je veux lui crier. Mais il est vrai que je dois faire abstraction de tout.

Mon monde est rose, comme de la barbapapa, comme des rêves de petite fille. C'est ce que je suis, une petite fille. J'habite un tipi sur l'île au tipi, mais je suis la seule habitante.

Mon tapis est doux et moelleux, mon lit confortable, mes étagères pleines de livres d'images aux couleurs vives. Mes cheveux sont blonds, mon pull vert, ma jupe rouge, mes yeux bleus. Je tiens un journal, un journal à couverture bleue. Dans ce journal, j'écris ce que je fais de mes journées avec un stylo à encre rose. Rien. Rien. Rien. Rien. Personne. Personne. Personne. J'ai mal. J'ai mal.

Ce carnet n'est pas bien intéressant, il n'est pas nécessaire que j'en parle. Je vais plutôt dire ce que j'aime : les licornes, le bleu, le rose, les livres, le rose, les étagères, le bleu, mon lit, le rose, les marshmallows, le rose, le rose, le ROSE... Parlons plutôt de ce que je n'aime pas : les araignées, le noir, la neige, le blanc, les stylos, le noir, les cahiers, le blanc, les interrupteurs, le noir, le blanc, le blanc, le noir et blanc... Mais j'aime le rose, le rose, le rose. C'est normal, je suis une petite fille, j'aime le rose. Je suis une petite fille.

Je m'appelle Poniko et je suis une petite fille.

Donc si moi, je suis une petite fille, la petite fille brune rentrée dans ma chambre rose et qui joue avec la lumière n'est pas une petite fille. On n'est pas pareilles, alors que moi je suis une petite fille.

Depuis qu'elle est là, elle s'est changée en chat rose (vous ai-je déjà dit que j'aimais le rose ?), a joué de la flûte, m'a même paralysée ! Et maintenant elle éteint et rallume la lumière sans cesse.

Je ne dois pas la regarder, elle ne joue pas avec l'interrupteur, faire abstraction de tout, Poniko n'y pense pas. Abstraction du noir et du blanc, Poniko, n'y pense pas, le noir et le blanc n'existent pas, Poniko. Poniko c'est moi, moi, Poniko qui aime le rose et pas le noir, Poniko, moi, pas le blanc non plus, le rose, Poniko, le rose. Poniko aime le rose, pas le noir ni le blanc. Moi, Poniko, noir et blanc. Moi, rose. Poniko et moi. Moi et Poniko ? Non, non, calme-toi Uboa, rose, pense rose, ni noir ni blanc, Poniko... Uboa ?

La vraie petite fille -la brune- s'est arrêtée, et à présent elle me fixe. Puis elle brandit un couteau et se rue vers moi. J'aperçois mon reflet dans l'éclat de la lame, c'est inutile, elle ne peut pas me toucher, mais moi si. Elle se jette à ma rencontre, je veux hurler, lui dire que non, elle ne doit pas avancer. Mais c'est trop tard.

Je rentre en contact avec elle.

*

Le monde est noir, noir, tout noir. Dans le ciel flottent des figures distordues blanches. La petite fille brune est assise au milieu du chemin blanc.

Et moi, et moi, j'ai perdu mon déguisement de petite fille rose. Je suis assorti à ce monde, noir et blanc. Je suis si triste, mon visage affiche une grimace horrifiante.

Je suis désolé. Je suis désolé. Mais c'est de ta faute, ta faute, petite fille brune, il ne fallait pas jouer avec la lumière. Tout est de ta faute. C'est toi qui a brisé mon illusion, toi qui m'a rendu mon apparence.

C'est de ta faute, tout, absolument tout. Si ce monde est noir et blanc, si je suis laid, si ce monde est vide, si je fais peur. C'est toi qui nous as crées. Alors c'est de ta faute.

Pour la peine, tu vas rester ici. Contemple mon visage, déformé par la douleur. Regarde ce monde noir et blanc. Regarde-moi. Voici la vraie nature de ce monde, de ces mondes, de ton cœur.

Si nous sommes tous noirs et blancs, c'est parce que tu l'es aussi.

Noir. Blanc. Noir. Blanc. Et c'est tout.

Reste ici. Reste ici. Ne pars pas. Tu ne peux pas partir, plus maintenant. C'est trop tard, bien trop tard.

Noir.

Blanc.

Vide.

Désespoir.

__________

Des chaussures rouges attendent près de l'escabeau surplombant le balcon, donnant sur le vide.

La chambre est rangée, comme à l'accoutumée. Le jeu NASU est en pause. L'écran de télévision affiche l'éternelle mire hors-signal. Le lit est fait, vide. Peut-être est-il encore tiède. Le tapis présente de petites taches sombres par endroits. La porte est toujours verrouillée, aucun accès sur l'extérieur n'est possible, excepté... Notre regard se tourne vers le balcon, la porte-fenêtre ouverte laisse entrer une brise.

Le cahier posé sur le bureau fait claquer ses feuilles, c'est un journal intime.

Il s'ouvre sur une double-page couverte d'une écriture enfantine malhabile. En déchiffrant, nous pouvons lire C'était mon dernier rêve, il n'était pas pareil que les autres. Il faisait peur... Le reste est trop raturé pour être lu.

Quelques lignes plus bas, l'écriture a changé : elle reste enfantine, mais plus sabrée. Mon monde a beau être coloré, je suis noire et blanche. Je ne peux plus rien changer. C'est trop tard. J'ai cru bien faire, mais j'avais oublié. C'était plus doux d'oublier. Vous tous...

On a raturé par dessus mais la suite est encore lisible.

Vous avez raison et j'ai tort. Vous êtes moi et je suis vous...

L'encre utilisée n'est plus rose, mais rouge. Des coups de couteau écarlates.

Je suis désolée.

En bas du balcon, un tintement cristallin résonne dans le silence.

[ 2014-2015 ]

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