Les filles à la vanille
Inazuma Eleven - 14/02/2023
4,452 mots.
Silvia a toujours eu l'habitude de cuisiner plutôt salé. Mais avec Camellia, les choses ne cessent de changer.
Commentaire de l'auteur.e:
Vous êtes surpris.es par ce couple ? Héhé.
Je me rappelle qu'au début de mon arrivée ici, Ananda et moi discutions du manque de couples yuri dans inazuma eleven (c'était il y a au moins 8 ans... envie de crever). Et bien il aura fallu du temps, mais voilà ! Et un grand merci à mar (feu seishunbusguide sur tumblr), où que tu sois à présent, pour avoir été lae pionnie.re du yuri IE sur tumblr. Tu as été d'une grande influence.
Je dédie cette fic à toutes les personnes qui ont un jour été une adolescente amoureuse de leur meilleure amie. (Bonus si vous aviez une relation homo-érotique toxique, même si heureusement ce n'est pas le cas pour Silvia !). Cette fic est élaborée à partir de mes propres émotions de cette époque, donc oui c'est niais et tout ! Soyez prévenu.es ! Ça bafouille de ouf.
C'est tout doux et sucré, comme un chamallow. Si vous voulez de la musique d'ambiance, j'ai écouté les albums Free'sm de CLC et Love & Evil de LOONA 1/3 pendant l'écriture.
J'espère que vous aimerez :)
Disclaimer : Inazuma Eleven appartient à LEVEL-5.
Célia passe plusieurs fois la main devant son visage, et Silvia cligne des yeux.
« Qu… Qu'est-ce qu'il y a, Célia ?
- Ah bah quand même ! Ça fait trois fois que je t'appelle ! Pourquoi tu regardes Camellia comme ça, elle se débrouille très bien !
Contrairement à Célia, qui tient dans ses mains une cuillère en bois dégoulinant d'une substance grisâtre, signe annonciateur d'une catastrophe culinaire. Silvia rétablit son attention sur ce problème et pas sur la manageuse aux cheveux violets.
- Je comprends pas pourquoi ma pâte a une couleur bizarre, et puis c'est vachement liquide… Célia se gratte la tête.
Son amie et maître-pâtissier fronce les sourcils et trempe un doigt dans le bol. Quand elle le lèche, son visage se tord en une grimace :
- Célia, c'est du sel ! Tu as mis du sel à la place du sucre !
- Ah, zut…
Silvia se précipite à l'évier pour rincer sa bouche, sous le regard interloqué des deux autres manageuses. Camellia est en train d'aider Nelly, ce qui requiert une attention de tous les instants car celle-ci pourrait bien carboniser le chocolat qu'elle fait fondre à la casserole. La douce jeune fille (donc pas Nelly) tapote gentiment le dos de Silvia :
- Euh… Je peux faire un autre mélange… Je peux faire ça vite, si tu veux, enfin…
- Merci Camellia, tu nous sauves la vie, soupire Silvia en ravalant les papillons dans son ventre. Bon, elle se retourne vers Célia, on laisse Camellia faire le début et toi tu vas casser les œufs, OK ?
- Oui, chef ! »
Une heure et demie plus tard, les quatre amies sont assises autour du gâteau fraîchement démoulé et poussent des exclamations ravies. Silvia sert tout le monde et Célia complimente le chef (donc pas elle), faisant rougir Camellia. Celle-ci insiste sur l'aide importante de Nelly, et même si personne n'est dupe cela rassure la fille du directeur quant à ses essais culinaires.
Elles discutent de choses et d'autres tout en mangeant, l'atmosphère est détendue et Silvia se félicite pour cette idée de cuisiner toutes ensemble. Pour une fois que ce n'est pas des boulettes de riz… Et puis c'est amusant de cuisiner à plusieurs, et c'est plus rapide grâce à Camellia qui se débrouille vraiment bien… Son regard divague sur la jeune fille en face d'elle, séparées par le gâteau, ses mèches violettes drapent ses épaules en se balançant élégamment…
Silvia se reprend et plaque les mains sur ses joues avec un « CLAC » retentissant.
« Qu'est-ce qui te prend ? Célia la dévisage avec des yeux ébahis, comme les autres qui ont été surprises.
- Je… J'avais une miette sur la joue !
- Sur les deux ?
Silvia hoche frénétiquement la tête sous le regard suspicieux de sa meilleure amie. Encore pire, Camellia intervient de sa voix douce :
- Tiens, prends ma serviette, elle est propre. » Elle lui tend le carré de tissu disposé devant elle et Silvia ne peut que l'accepter, toujours consciente du regard sur elle.
Elle garde évidemment la serviette et la plie de façon à ce que personne ne remarque l'absence de la moindre miette quand elle la repose.
Après cet incident, le reste de l'après-midi passe à une vitesse folle et il est bientôt temps pour les filles de se séparer. Alors qu'elles enfilent leurs chaussures, le portable de Camellia vibre et elle fait la moue en lisant le message.
« Quelque chose ne va pas ? Célia jette un œil.
- Mon père vient de me dire qu'il ne rentrera pas ce soir, Camellia secoue la tête. Il était en déplacement dans un autre collège, j'imagine que quelque chose l'a retenu.
Elle hausse les épaules comme pour chasser son amertume, et retourne à l'enfilage de ses chaussures. Silvia n'a pas le temps de tourner sept fois sa langue dans sa bouche que son cœur bondit sur l'occasion et les mots sortent tout seuls :
- H-Hm, tu peux rester dormir ici si tu veux ! Elle balbutie et immédiatement regrette que sa voix ait été si aiguë. C-comme ça tu n'es pas obligée de passer la soirée seule, enfin, si ça te dérange…
- Oh ! Camellia écarquille les yeux. C'est très gentil, Silvia… »
Célia se tient le menton comme lorsqu'elle flaire un scoop et Nelly jette un regard en arrière à leur amie, son sac à main déjà sur l'épaule.
S'il te plaît reste, s'il te plaît reste… psalmodie intérieurement leur hôte tandis que son invitée potentielle contemple ses options.
Ses grands yeux bleus finissent par se poser sur Silvia, timides juste ce qu'il faut.
« Tu es sûre que ça ne te dérange pas ? »
⁂
Le cœur de Silvia tambourine contre ses côtes quand elle referme la porte derrière leurs deux amies à qui elles ont souhaité au revoir. Elle porte une main à sa poitrine, qu'est-ce qui lui prend ? Ce n'est pas l'excitation d'inviter une amie à dormir, Célia est venue plusieurs fois ici et elle n'en faisait pas tout un cirque !
Elle sourit gauchement à Camellia qui est tout aussi gênée, mais pas pour les mêmes raisons.
« Hm, mes parents ne devraient pas tarder ! » s'exclame Silvia comme pour, quoi, la rassurer ? N'importe quoi ! La soirée va être longue…
⁂
La porte s'ouvre pile au moment où Silvia va lancer une carapace rouge sur Camellia, et à la place elle dérape sur la peau de banane juste devant son kart.
« Bonsoir Maman ! Elle se lève pendant que son personnage se cogne contre le mur du circuit.
- Bonsoir ma chérie ! Sa mère retire ses chaussures et s'arrête sur les mocassins inhabituels. Oh, tu es avec une amie ? »
Silvia présente Camellia quand sa mère entre dans le salon, elle l'accueille volontiers pour la nuit. Avec l'aide de sa fille, elles installent un petit futon à côté du lit de Silvia qui essaie de se concentrer pour équilibrer la literie dans ses bras, pour oublier que Camellia est dans sa chambre.
Devant sa mère, son amie n'ose pas trop bouger, mais Silvia voit bien les petits coups d'œil qu'elle jette à ses posters ringards, la peluche trop niaise à côté de son lit, et oh non est-ce qu'elle bien pensé à fermé son tiroir à sous-vêtements ? Elle se décale devant la commode pour en bloquer la vue l'air de rien et fait de son mieux pour pousser le tiroir avec son pied.
« Mais qu'est-ce que tu fais, à te dandiner comme ça ? l'interpelle sa mère. Viens me donner ces draps, Silvia !
Elle se dirige vers le futon mais se prend le pied dans un pan de la couette qui traîne.
- Ça va ? Camellia se rapproche pour attraper la couverture et rétablir l'équilibre de Silvia.
Ses mains fraîches effleurent ses doigts sous le tissu, dissimulées à leurs yeux.
- Qui m'a donné une fille pareille ?
- M-Maman… ! » Silvia pique un fard alors que son invitée arrange la couette par terre.
« Elle était très maladroite quand elle était petite, confie sa mère à Camellia tout en ignorant sa fille. Une fois elle s'est cognée dans un arbre en cherchant des marrons, elle avait une bosse grosse comme une châtaigne ! »
Son amie sourit avec la maîtresse de maison et Silvia veut mourir.
Elle ouvre donc la porte avec grand fracas pour mettre un terme à cette trahison.
« Bien, bien ma chérie, je vais vous laisser… sa mère tapote le futon avant de se lever avec un soupir. Comment vous faites pour le dîner ? Je vais commander chinois, vous en voulez ?
- Non, je vais faire à manger ! » Silvia déclare d'un ton décidé. Pas question de laisser sa mère continuer à lui foutre la honte une minute de plus ! Pour un peu, elle risquerait de sortir les albums photo comme la première fois que Célia est venue. La journaliste se moque encore d'elle aujourd'hui.
« Oh, quelle chance tu as, Camellia ! Moi aussi, j'aimerais bien que ma fille cuisine pour moi…
- Je... Je vais t'aider… son invitée a un sourire contrit pendant que Silvia imagine bâillonner sa mère.
- Ne t'en fais pas, elle se retourne avec un visage composé, je m'en occupe ! Tu peux plutôt prendre le bain en premier pendant ce temps.
- C'est vrai qu'il est déjà tard, sa mère réfléchit. Tu n'as pas amené de pyjama, Camellia ? On va te trouver quelque chose à mettre, et une serviette de bain.
- N-Ne, ne vous dérangez pas pour moi… » balbutie-t-elle, et Silvia les laisse explorer le placard pour descendre dans la cuisine.
⁂
Une fois seule dans son royaume, elle expire un grand coup. Le froissement des pans du tablier qu'elle noue dans son dos détend tous ses muscles, et le poids du tissu sur sa poitrine la rassure, comme une présence.
Avec chaque « tchac » du couteau sur la planche à découper, Silvia se sent redevenir maîtresse d'elle-même, reprendre ses moyens. Son embarras se dissipe à chaque cube de carotte et de pomme de terre, remplacé par les larmes bien raisonnables provoquées par l'oignon. Elle s'applique à dénerver la viande, défait les siens. Bientôt, le son apaisant de l'eau frémissante emplit son cœur à la place de la cadence effrénée de tout à l'heure.
Le temps passe ainsi, reprend ses droits tandis qu'elle fait revenir les légumes et le bœuf. L'odeur délimite l'espace, c'est son domaine. Silvia s'absorbe à la cuisine comme le cube de bouillon dans l'eau.
Elle va pour verser les aliments dans l'eau et manque de s'ébouillanter quand elle remarque alors Camellia sur le seuil, plantée là depuis dieu sait quand.
« C-Ça va ? La jeune fille s'élance vers Silvia, de gouttelettes ont touché son poignet. Je suis désolée, je ne voulais pas te surprendre !
- Pourquoi tu ne m'as pas dit que tu étais là ? Silvia lui adresse un sourire maladroit pendant qu'elle tient son bras sous l'eau tiède du robinet.
- Tu avais l'air tellement concentrée, je… Elle détourne les yeux un instant, Silvia remarque que ses joues sont un peu rouges.
- Tu es restée trop longtemps dans le bain ? Elle s'enquiert à ce propos.
Camellia paraît prise au dépourvu, et Silvia découvre qu'elle a changé de vêtements.
C'est une chemise de nuit bleu clair qu'elle ne met jamais et que sa mère a dû attraper tout au fond de l'armoire. Elle trouve que la couleur s'accorde bien aux cheveux mauves, encore légèrement humides et qui bouclent sur les tempes de la jeune fille. De la vapeur semble encore s'échapper du corps de Camellia, la peau de sa gorge est tendre et rougie et c'est encore Silvia qui va se transformer en tomate.
Elle coupe le filet d'eau et s'essuie les mains sur le torchon posé sur le plan de travail.
- Tu fais du curry ? Reconnaît son invitée en jetant un œil à la marmite.
- Oui, j'espère que ça te va ?
- Bien sûr ! Elle sourit et Silvia n'est plus du tout reine de son domaine. Tu es sûre que tu n'as pas besoin d'aide ?
- Si tu insistes, il reste le riz à faire. » Elle pointe l'autocuiseur du doigt. Camellia hoche la tête et son hôte lui sort le sac de riz et sa cuillère doseuse.
Elle se dirige vers l'évier pour commencer la vaisselle, et en même temps regarde Camellia s'affairer avec le riz.
« Désolée pour ma mère, Silvia finit par dire comme prise d'une impulsion subite. Elle est un peu…
- Non, elle est sympa, rit son amie. Elle m'a raconté des tas de choses sur toi quand on cherchait des vêtements.
- A-Ah bon ? Feint-elle un ton détaché. Enfin, euh, cette chemise de nuit te va bien ! Ne peut-elle s'empêcher de dire.
- Merci de me la prêter, Camellia la saluerait presque. Je ne la salirai pas.
- Ah non, non, je ne la mets jamais, ne t'en fais pas !
Silvia fait des grands gestes, projetant des gouttes savonneuses partout et finalement, le liquide vaisselle lui glisse des mains et tombe dans l'évier.
- Ta mère a raison, tu es un peu maladroite ! Camellia lâche en riant. C'est mignon. »
Le cœur de Silvia va s'arrêter. Elle va piquer tête la première dans l'évier plein de vaisselle et se rattrape au bord.
Comme Camellia ne semble pas avoir remarqué son trouble, elle fait semblant que tout était calculé, et reprend son souffle sans laisser rien paraître.
La vaisselle trop vite terminée, Silvia ne se sent pas à l'aise à l'idée de rester inactive dans la même pièce que Camellia. Elle a besoin de s'occuper les mains. En ouvrant la porte du frigo, elle avise les deux parts de gâteau laissées pour ses parents, et une idée lui vient :
« Camellia, tu voudrais qu'on fasse un dessert ? »
La jeune fille affiche un air très enthousiaste à cette proposition, et Silvia se félicite.
Elle est davantage habituée à cuisiner salé, aussi se laisse-t-elle guider par Camellia qui se décide sur des cookies, faciles et rapides à faire.
« Comme ça ils cuiront pendant qu'on mange ! » explique-t-elle, ravie.
Elles préparent la pâte, Camellia a la bonne idée d'ajouter une touche d'extrait de vanille, et se retrouvent toutes deux face à face à former les boules et piquer les pépites de chocolat.
Silvia détaille, malgré elle, les traits délicats du visage si proche. Son air de concentration paisible, alors que Camellia s'absorbe à une tâche qu'elle affectionne, est surplombé par ses yeux bleus doux qui se lèvent pour rencontrer les siens. Camellia lui sourit et retourne à son occupation sans rien en penser. Ses cheveux mauves qu'elle a noués en arrière révèlent le duvet à la base de ses tempes, et le haut de son crâne reflète la lueur orangée de la gazinière.
La cuisine est emplie du son tranquille du curry qui mijote et de l'odeur du riz chaud, et Silvia voudrait… Elle tend la main et saisit une autre boule de pâte. Aplatit et tourne dans la paume de sa main en se calquant sur les gestes de Camellia.
Elles avancent à un rythme régulier et son amie dit finalement, sans lever les yeux, comme distraitement :
« Ça me rappelle ce que je fais à la maison.
Silvia cligne des yeux à la rupture du silence, et, heureuse d'avoir un sujet de conversation, elle la relance :
- Ah, tu cuisines beaucoup ?
- Oui, comme je suis souvent seule après l'école. Et comme ça mon père a de quoi manger en rentrant !
Mince… Silvia n'avait pas pensé que le coach Travis était si occupé. Elle se sent un peu mal.
- C'est pour ça que tu es si douée ! Elle tente de la réconforter et son cœur s'emballe quand Camellia rougit et s'embarrasse du compliment.
- Non, non, c'est rien du tout ! Tu es bien plus douée que moi pour la cuisine !
- H-Hein ?
- Je fais beaucoup de gâteaux alors je ne connais pas grand-chose en plats salés, toi tu assures !
Silvia est touchée en plein cœur. Il est vrai qu'elle a assez confiance en ses plats, d'ailleurs les joueurs de Raimon se jettent toujours sur ses boulettes de riz, mais l'entendre de la jolie bouche de Camellia a un goût spécialement sucré.
- M-Merci… Mais tu es bien plus douée en gâteaux, celui de cet après-midi était délicieux !
Camellia rayonne puis un sourire plus paisible vient fleurir sur ses lèvres :
- C'est parce qu'on l'a fait toutes ensemble… C'était vraiment amusant.
- Même quand Nelly a failli carboniser le chocolat, approuve Silvia.
- Oui, je ne savais pas que c'était possible !
Son petit rire est adorable. Les yeux dans le vague, elle pique une autre pépite dans la pâte et ajoute comme pour elle même :
- C'est vraiment super de passer du temps ensemble. En venant à Raimon, j'avais peur d'être toute seule, mais je suis vraiment heureuse de m'être fait des amies.
- Bien sûr, la rassure Silvia, un peu gênée. Évidemment qu'on est devenues amies avec toi.
- J'étais toujours un peu seule dans mon ancien collège, rectifie Camellia d'un fatalisme un peu triste. C'était... un peu compliqué avec les autres filles...
Elle baisse la tête comme pour cacher le reste qu'elle ne dira pas.
Silvia se souvient qu'à l'entrée de son amie à Raimon, elle avait entendu certaines élèves chuchoter que Camellia n'était pas "une vraie fille", quoi que ça veuille dire. Heureusement elles avaient eu tôt fait de la boucler une fois que la fille du directeur avait affiché son amitié pour la nouvelle. C'est vrai que ses épaules sont plutôt anguleuses et qu'elle n'a pas l'air d'avoir de poitrine (enfin, pas que Silvia soit allée vérifier... elle se sent rougir à cette idée). Mais à ce compte-là, Tori est encore moins une fille, vu sa manière de s'habiller et de parler.
Silvia serre le poing sous la table quand elle voit les yeux bleus se voiler de nuages gris. C'est ridicule. Camellia est Camellia.
- Eh bien tant pis pour elles, elles ne savent pas ce qu'elles ratent !
Cette fois elle ne se pose pas de question et pose cette main sur la sienne. Elle la serre doucement, comme si elle pouvait en dire plus ainsi. Camellia sursaute et lui laisse sa main. Sa peau est douce et tiède, nul doute qu'elle doit être sucrée. Silvia cherche comment formuler les émotions qui se bousculent dans sa poitrine, et tout ce qu'elle parvient à dire est :
- Il faudra que tu m'apprennes à faire plus de gâteaux !
Malgré la légèreté de ses paroles, fragiles comme des bulles de savon, le visage de Camellia s'éclaire et son sourire colore la pièce de rose :
- Oui ! »
Une si petite promesse, c'est déjà tout pour Silvia.
Elles finissent de remplir les deux plaques du four de cookies, et Silvia se lève pour vérifier l'état du curry. Il a une belle couleur et au même moment, l'autocuiseur retentit. Elle enfourne les cookies et sert deux assiettes de curry qu'elle dépose sur la table.
« C'est délicieux ! » Camellia la complimente après la première bouchée, et Silvia sent la sauce soja sucrée sur sa langue.
Le curry qu'elle connaît si bien réchauffe tout son corps comme un bain brûlant. Elle boit le sourire détendu de Camellia qui savoure sa cuisine.
À la fin du repas, Camellia vérifie la cuisson des cookies et s'excuse du temps qu'il reste. Silvia a une autre excellente idée :
« On n'aura qu'à les manger dans ma chambre, qu'est-ce que tu en dis ? Je vais prendre le bain en attendant. »
Son invité approuve gaiement et elles remontent ensemble à la chambre.
⁂
Dans le bain, Silvia plonge la tête dans l'eau jusqu'au nez et reste repliée sur elle-même un moment. L'eau chaude pousse contre ses membres et la débarrasse du poids de son corps pour ne plus penser qu'aux questions qui tournent dans son esprit.
Pourquoi c'est si compliqué ? Elle ne sait pas ce qu'elle veut. Elle pensait être amoureuse d'Erik, puis de Mark. C'est pour cela qu'elle avait ressenti de la jalousie en apprenant que lui et Camellia étaient amis d'enfance. Sans doute que Camellia est aussi amoureuse de Mark, comme Nelly, comme elle. Mais pourtant Silvia imagine, si elle se laisse aller, comme il serait doux de tenir la main de Camellia en marchant, comme ses longs cheveux doivent se balancer sur ses joues, comme son parfum vanillé doit être tendre dans le creux de son cou blanc… Il y a tant de choses qu'elle ignore, autant que de choses qu'elle voudrait.
Elle souffle des bulles dans l'eau comme un poisson contrarié.
⁂
Quand Silvia retourne dans sa chambre, elle voit son invitée manipuler la grosse peluche de lapin posée près de son lit.
« Ah, désolée ! s'exclame celle prise sur le fait en reposant la monstruosité rose.
Silvia a soudain très honte d'avoir gardé cette peluche que son père avait gagnée à la fête foraine pour ses huit ans. Et si Camellia la trouvait bête ? Elle prend à nouveau conscience de l'apparence de sa chambre à travers un regard extérieur, avec ses posters et ses photos, les décorations de papillon qui pendent aux rideaux, et ne sait pas ce qu'elle devrait dire alors même qu'elle ouvre la bouche pour se justifier-
- Pardon, c'est juste que je la trouvais trop mignonne, s'excuse Camellia avec un dernier regard pour le lapin. J'ai la même en plus petit chez moi, c'est pour ça.
Silvia soupire de soulagement. Il lui semble que les papillons de ses rideaux remontent jusque dans sa gorge face au sourire adorable de Camellia.
- Oh mais Silvia, tu es toute rouge ! Son amie écarquille les yeux et se précipite vers elle. Tu as dû rester trop longtemps dans le bain !
Effectivement, sa paume est fraîche sur la joue de Silvia. Celle-ci rougit encore plus, recule d'un pas et balbutie comme un automate cassé :
- Je… Je vais chercher les cookies ! » avant de s'enfuir de la chambre.
Elle revient avec un saladier de cookies et deux briques de jus de fruit sorties du frigo. Peu à peu, Silvia se détend à nouveau. Les deux filles grignotent leurs biscuits assises sur le futon de Camellia, discutent de choses et d'autres. De leurs amies, de donner des cookies aux autres pourvu qu'il en reste, des dernières rumeurs du journal rédigé par Célia, des prochaines rencontres du club de foot…
« Au fait, pourquoi tu es devenue manageuse, Silvia ?
- Je jouais au foot avec des amis, Erik et Bobby, en primaire. Et au collège, je ne me voyais pas jouer sans eux, mais j'aimais toujours le foot, alors…
Silvia fait rebondir doucement le vieux ballon de foot entre ses mains. Le cuir est tout usé, et sur une face on peut encore déchiffrer trois prénoms au marqueur noir.
- Tu ne les vois plus ?
- Ah, c'est vrai que tu ne les connais pas du tout. Erik est parti aux États-Unis et Bobby est à la Royal Academy… C'était bizarre quand Raimon a dû se battre contre Ray Dark, il y a deux ans… Mais heureusement, il est toujours gentil ! C'était vraiment chouette de jouer ensemble… Désolée, je parle trop, réalise-t-elle après un moment.
- Non, non ! Je ne savais pas du tout, merci de m'en avoir parlé. J'espère qu'un jour vous pourrez rejouer tous ensemble.
Son sourire sincère apaise Silvia. Elle a envie de la taquiner :
- Hmm, et toi ? J'imagine qu'être amie avec Mark t'a contaminée ?
- Peut-… Peut-être, mais… Camellia rougit et Silvia ressent un pincement au cœur. J'aime surtout faire partie du club. Être avec vous tous…
Wahh… Silvia plisserait presque les yeux tant la pureté de Camellia l'éblouit. Sauf que la jeune fille tourne une expression radieuse vers elle et s'exclame :
- J'adorerais te voir jouer au foot un jour ! »
Silvia ne peut que prendre un cookie. Le goût sucré achève de défaire le nœud de jalousie dans sa poitrine.
La soirée continue. La lumière de sa chambre découpe un carré orange dans la nuit dehors. Le temps s'écoule comme du miel dans du lait chaud. Leurs paupières se font plus lourdes, leurs cils effleurent leurs pommettes. Il reste quelques cookies et des miettes dans le saladier.
Comme un gage de confiance, Camellia a laissé sa tête tomber sur l'épaule de Silvia et n'a pas l'air de vouloir la relever. Silvia se demande si elle ferait pareil avec une autre de leurs amies, est-ce qu'elle a le droit d'imaginer un sens à ce poids sur son épaule ? Elle a l'impression que son cœur résonne dans la pièce comme dans une cathédrale, et force ses lèvres à bouger pour couvrir le bruit. Créer une conversation banale alors que l'air-même est sucré.
Au détour de cette conversation-écran, Camellia lui confie qu'elle n'avait encore jamais dormi chez personne. Et, l'heure tardive aidant, elles deux blotties dans le cocon de la chambre qui vogue dans la nuit, elle ajoute :
« Avec toi, tout est plus facile ! »
Silvia pense à sa chemise de nuit dont le bleu ciel contraste avec le orange pâle de son propre pyjama, leurs deux épaules l'une contre l'autre. Le rythme de son cœur est lesté par la couverture en coton sous laquelle elles se sont nichées. Les yeux de Camellia reflètent les étoiles une fois que la lumière est éteinte. Le parfum vanillé de ses cheveux s'étale sur l'oreiller. Il y a tant de choses que Silvia ignore, autant que de choses qu'elle veut.
Oui, se dit-elle alors que les doigts blancs reposent sur les siens et qu'elles glissent vers le sommeil, avec elle tout est facile.