Réponse
Inazuma Eleven - 09/08/2021
13,643 mots.
Les grillons bourdonnent dans ses oreilles et la nuit pèse dans sa gorge, asséchant sa langue. "Nathan, est-ce que tu... me détestes ?" lui demande Shawn.
Commentaire de l'auteur.e:
Mais qu'est-ce que c'est ? Une fanfiction sur ce compte depuis des années ! J'ai enfin réussi à trouver l'inspiration et à écrire en français, et tout ça c'est grâce à ce couple qui me poursuit depuis maintenant 9 ans. Dès que je pense à eux je pleure, fallait que j'extériorise là.
C'est ma première fanfic à dépasser les 10k mots ! Je suis extrêmement fier et reconnaissant au NathanXShawn d'avoir réalisé cet exploit, j'espérais atteindre ce palier un jour. Et puis, 12k mots de fubukaze c'est mon cadeau à moi (merci Esper, c'est vachement sympa. De rien Esper, ça me fait plaisir).
J'ai rejoué à Foudre Céleste pour la première fois depuis sa sortie, histoire de me remettre le contexte en tête. Pendant tout le jeu je guettais le moment où Nathan et Shawn apprennent l'Ouragan, parce que j'en avais des souvenirs très vivaces (càd : moi, 15 ans, en train de rouler sur mon lit parce qu'ils ont fait une technique ensemble), et en fait pas du tout ? Je pensais que c'était un event scripté et tout mais non, Nathan l'apprend juste au niveau 45 sans fanfare... triste. Du coup j'ai pris la liberté de changer la chronologie, ici ils apprennent cette technique pour le match contre le Costail et pas les États-Unis comme dans l'anime.
Du coup Nathan et Shawn pendant l'arc du FFI, ft. Xavier la 3e roue du carrosse qui s'amuse comme un fou.
J'espère que vous aimerez lire cette fic autant que j'ai aimé l'écrire ! C'était un vrai plaisir.
Disclaimer : Inazuma Eleven appartient à LEVEL-5.
Quand Nathan se lève en pleine nuit pour aller dans la salle de bain, il prend soin d'enjamber et de zigzaguer entre ses coéquipiers endormis sur leurs futons, de ne pas écraser une pauvre main au passage. Il doit être près de deux heures du matin, l'air frais de la campagne s'immisce à travers les fentes des portes japonaises, une oasis de fraîcheur en plein mois de Juillet. Il réajuste son yukata, courtoisie de cette petite auberge, et tâtonne le long du mur à sa droite pour trouver la pièce au bout du couloir.
Il cligne des yeux à la brusque lumière qui emplit la salle d'eau. Nathan se dirige vers un des lavabos fixés au mur et ouvre le robinet pour s'asperger le visage. Lorsqu'il relève la tête, il se fait face dans le miroir, son reflet encadré de longues mèches bleues perlées de gouttelettes.
Il reste un moment immobile, les doigts crispés sur les bords en céramique, les yeux plantés dans les siens à la recherche d'une réponse. Ses cheveux presque détachés lui rappellent un mauvais souvenir, mais en même temps il ne peut s'empêcher de s'y accrocher. Comme un blessé gratte ses plaies pour voir le sang couler, il fait rouler dans son esprit ces souvenirs de puissance qui l'hypnotisent et le brûlent.
Ça suffit. Il secoue la tête et s'emploie à refaire sa queue de cheval. Nathan sait que ces vieux doutes l'assaillent à chaque match qui s'approche, ce n'est que de la nostalgie de mauvais goût. Contrairement au Nectar, au nom si délicieux… Il ferme les paupières très fort pour arrêter le manège de ses pensées.
Le silence qui résonne dans ses oreilles est brisé par le bruit clair de la porte qui s'ouvre. Ses yeux font de même.
« Oh, désolé Nathan. » s'exclame Shawn sur le pas de la porte, surpris.
Sa petite voix résonne sur le carrelage jusqu'au défenseur. Nathan retourne son regard vers le miroir et achève de s'attacher les cheveux. Du coin de l'œil il voit Shawn s'avancer et s'installer à un lavabo deux places plus loin. L'attaquant le scrute timidement :
« Toi aussi tu as du mal à dormir ? » il ose demander.
Nathan lui rend un regard neutre et se détourne du lavabo pour se diriger vers la sortie. Il sent Shawn et son parfum de neige le suivre des yeux quand il le dépasse, et il referme la porte derrière lui.
Il essaie vainement de trouver le sommeil quand Shawn rejoint son futon. C'est vrai, se rappelle-t-il, sur les quinze joueurs dormant dans la pièce, leurs deux futons sont face-à-face. Ils sont les plus proches du mur extérieur et donc les plus éloignés des autres, et l'angle de lumière des étoiles tombe à peine sur eux. De l'autre côté du mur en bois leur parviennent les bruissements des divers insectes et le bourdonnement des grillons.
L'équipe Inazuma Japon est venue dans cette auberge de campagne pour s'entraîner en vue du match contre les Dragons de Feu qui déterminera de leur qualification dans la deuxième phase du FFI. La rencontre est dans deux jours et Nathan n'arrive toujours pas à dormir.
Il devrait être exténué par l'entraînement intensif que leur fait subir le coach Travis, et ses muscles crient en effet fatigue, mais il ne trouve pas le sommeil. Le vacarme des grillons le tient éveillé, se dit-il, et peut-être est-ce la même chose pour Shawn puisqu'il sent son regard rivé dans son dos.
Nathan se retourne. Les yeux de glace luisent dans la pénombre qui vrombit tout autour de lui. La nuit aspire le monde environnant et Nathan se sent à sa merci. Des papillons noirs dansent devant ses yeux et son corps se raidit d'anticipation.
La joue enfoncée dans sa paume droite, accoudé au sol, Shawn chuchote de sa voix posée :
« Nathan, est-ce que tu… me détestes ? »
Il n'y a aucune trace de tristesse dans son intonation, mais plutôt une grand curiosité, comme s'il venait de lui demander la nature de l'Univers.
Les grillons bourdonnent dans ses oreilles et la nuit pèse dans sa gorge, asséchant sa langue. Nathan ne sait pas quoi répondre. La basse luminosité fait virevolter des points noirs dans son champ de vision, parasitant le visage du garçon des neiges. Nathan cesse de lui faire face et se tourne sur le dos. Il fixe le plafond.
Détester… le mot ne sonne pas juste. Mais il n'apprécie pas Shawn pour autant. Si Nathan était plus honnête, il reconnaîtrait qu'il est jaloux. Mais ce n'est pas si simple non plus. Pourquoi Shawn pose-t-il la question ? C'est évident pourtant, ils n'avaient qu'à continuer à se comporter comme ils l'ont toujours fait, et il n'y aurait pas eu besoin de demander cela. Et voilà qu'à présent la question flotte entre eux dans le silence, les liant l'un à l'autre par l'attente d'une réponse qui ne vient pas.
Nathan devine plus qu'il ne perçoit, Shawn hocher doucement la tête et lui tourner le dos dans son futon.
Les bruits de la nuit continuent mais il lui semble que désormais un grand silence s'est installé dans l'espace entre leurs deux corps.
⁂
Ce silence dure encore les jours suivants. Alimentées par ses vieilles craintes, les pensées de Nathan ne sont qu'un fracas d'éclats améthystes, de volutes noires et de bleus sur le corps. Oui, il détestait Shawn et c'est ce qui l'avait amené chez les Empereurs Noirs. Oui, c'était ainsi au début.
Lina les avait emmenés recruter les meilleurs joueurs du Japon, leur faisant comprendre qu'ils ne l'étaient pas. Et tout le monde avait adopté Shawn, l'ange des neiges, si puissant et si rapide. Lina avait mis Nathan sur le banc, puis il s'était blessé comme un idiot et ils l'avaient laissé derrière eux à l'hôpital, pour mieux se reposer sur la vitesse prodigieuse de leur nouveau buteur préféré. Bien sûr qu'il détestait Shawn, comment aurait-il pu en être autrement ?
(Ce qu'il taisait à sa conscience, c'est qu'il avait été soulagé de trouver un échappatoire à ses échecs en sa blessure, un catalyseur à sa souffrance en Shawn.)
Tout ce que Nathan avait pour lui, tout ce qu'il apportait à l'équipe, Shawn l'avait et mille fois plus encore. Et toujours sans jamais se vanter, avec ce doux sourire franc et volontaire. Il était haïssable parce qu'il ne haïssait pas. Nathan n'était même pas une compétition pour lui. Alors il avait décidé de devenir une menace. Faire payer ceux qui l'avaient abandonné, leur montrer qu'ils avaient tort, reprendre son titre de droit. Écraser Shawn.
Mais il était apparu, la défaite arrachant à lui et aux autres le masque de supériorité comme la pierre à leur cou, que chaque coup dans le ballon n'était qu'une supplication : Regarde-moi. Regarde-moi.
Le match contre les Dragons de Feu est passionné, leurs adversaires sont coriaces mais l'entraînement du Japon a porté ses fruits. Ils ont tous dépassé leurs limites, de nouvelles super-techniques ont éclos. Nathan avec Jack, Shawn avec Thor, Jordan a réussi une nouvelle technique de tir. Ils donnent tout ce qu'ils ont.
Voir Byron jouer avec autant de grâce, mais surtout avec joie, confirme à Nathan que le Nectar de Zeus était le même poison que la pierre Alius. Tout comme il n'y a pas de haine dans les traits d'Aphrodite lorsque la Corée encaisse un but, Nathan a enterré la sienne avec la pierre. Détester n'est plus le mot.
Et à présent Shawn le regarde.
Et c'est terrifiant.
Alors Nathan se met à le regarder aussi. Le silence de cette nuit-là semble tirer sur sa manche, le pousser dans la direction de Shawn. Il se souvient de détails qui n'avaient pas d'importance pour lui à l'époque où il était obnubilé par la perfection. Comme le fait que son obsession était partagée. Mais comme toutes les obsessions, elle donnait des œillères et berçait de complaintes égoïstes.
Il se rappelle le combat intérieur de Shawn, déchiré entre le poids de son frère et ses propres désirs, sa lutte acharnée et désespérée à incarner une identité parfaite car imaginaire. Et peut-être est-ce pour cela que Nathan avait choisi de ne pas le voir, parce que Shawn avait encore réussi là où lui avait échoué : réussi à renoncer à la perfection et à accepter que l'âme idéale d'Aiden se fonde à la sienne, en un Shawn imparfait mais tellement plus accompli.
À sa place, Nathan était allé chercher la pierre Alius pour le compléter.
Alors oui, persiste cette pointe de jalousie qui lui transperce le cœur à chaque fois qu'il voit Shawn faire un pas dans son état. Quand il tombe, se relève, les genoux écorchés, sourit à Axel qui lui lance un regard inquiet, et reprend son jeu. Nathan a bien vu, péniblement assisté, aux efforts insensés que fournit Shawn pendant ce match, quitte à se blesser gravement.
Shawn n'est pas un prodige. Et c'est sans doute ce qui fait le plus mal.
Parce que quelle est la différence entre eux ? Au fond de lui, Nathan sait : Shawn n'abandonne pas, il ne perd pas son temps en vaines jalousies, il ne blâme pas les autres pour ses propres lacunes. Il ne s'apitoie pas dessus, il les admet et s'efforce de les dépasser, au point de se mettre hors-jeu.
Au coup de sifflet final il s'écroule au sol, suivi de Jordan, le corps perclus de douleur. Il sourit à ses coéquipiers et au coach qui les envoie à l'hôpital, signant la fin du FFI pour eux deux. Il y a une telle noblesse dans ses efforts.
Et peut-être que si Nathan n'avait pas quatorze ans, il admirerait Shawn au lieu de lui en vouloir.
⁂
« Ah ! » fait Shawn à côté de lui en fouillant dans son sac pendant la pause. À peine remis de ses blessures pour leur match contre les États-Unis, juste à temps pour l'entraînement.
« J'ai oublié ma gourde.
- Tiens ; Kevin lui tend sa bouteille. Je crois que les manageuses sont parties en chercher d'autres.
- Merci. » le sourire que lui rend Shawn est lumineux et Nathan en serait presque ébloui.
Voilà un autre Empereur Noir qui devrait comprendre les sentiments de Nathan, mais leurs expériences ne pourraient pas être plus opposées. Il sait que Kevin a été jaloux de Shawn, mais il était davantage tourmenté par Axel, finissant par même prendre le buteur des neiges sous son aile. Il est la première personne avec qui Shawn a réalisé une super-technique, et la puissance du Blizzard de la Vouivre est un témoignage amer pour Nathan de l'amitié que les deux se portent.
Il les regarde s'échauffer côte à côte, échangeant des encouragements et des plaisanteries tandis qu'il refait ses lacets en silence.
Il a été choisi pour représenter le Japon au niveau mondial, et il vient de participer à un match d'anthologie contre l'Argentine ! Pourquoi cela ne lui suffit-il pas ?
Il continue de scruter Shawn dans l'espoir d'une réponse.
À travers leurs nombreux entraînements, Nathan continue de percevoir de plus en plus de Shawn maintenant qu'il y fait attention. Sa façon de s'élancer sur le ballon, les bras en arrière, quand il s'apprête à frapper il pivote toujours légèrement sur le pied droit, le corps tendu dans une gracieuse arabesque. Les traits de son visage s'étirent lorsqu'il fait appel au Loup Légendaire, pendant un instant réminiscences de ceux d'Aiden mais où transparaît toujours la douceur propre à Shawn.
Mais ce qui retient le plus l'attention de Nathan est cet espèce de tic que l'attaquant a. Il touche sans arrêt son cou, juste en dessous de la pomme d'Adam. C'est un geste bref, une caresse de la pulpe des doigts sur sa peau blanche, et c'est tout ce que Nathan voit.
À la mi-temps de leur match contre les Licornes, il remarque le geste de nouveau. Placé à côté de l'attaquant, il lui jette un coup d'œil et lui murmure :
« Ça te manque ? Ton écharpe.
C'est les premiers vrais mots qu'ils échangent depuis cette nuit-là. Shawn a l'air confus. Puis :
- Oh ! » ses paupières tressaillent sous la surprise. Il suspend le mouvement qu'il avait recommencé et baisse les yeux un instant.
« Je ne sais pas. Je crois que c'est rassurant.
Le défenseur fronce les sourcils.
- Tu as peur ?
Shawn paraît réfléchir. Il relève ensuite la tête vers Nathan et sourit.
- Non. Je viens de m'en rendre compte… Bizarre, hein ? »
Nathan lui rend son sourire et le coup de sifflet retentit.
⁂
Il arrive à Nathan de se demander si et comment Jordan n'est pas jaloux de Xavier. Ces mots qu'il a entendu alors qu'ils écoutaient leur dispute bien avant les qualifications, trottent dans sa tête. « Tu ne sais pas ce que ça fait d'être nul. » avait craché Jordan, les coins de ses lèvres étirés en un rictus douloureux que Nathan connaît trop bien. Comment se sent Jordan, d'avoir dû renoncer au FFI à cause de ses blessures tandis que son ancien capitaine, la perfection Alius, se tient en ce moment-même aux côtés d'Inazuma Japon ?
Mais il y a bien des choses qu'il ignore sur leur relation. Ils ont grandi ensemble, peut-être étaient-ils amis avant, et il est clair que Xavier ne pense jamais en mal de Jordan. C'est ce que se dit Nathan en le voyant en pleine conversation enthousiaste au téléphone avec son ami.
Un bruit le fait sortir de ses spéculations. Il tourne la tête et reconnaît Shawn en train de fouiller dans son sac.
« Tiens. » lui fait Nathan en lui tendant la bouteille qu'il vient d'utiliser.
Le buteur s'immobilise dans ses fouilles archéologiques et lui lance un regard surpris.
« C'est bien ça que tu cherches, non ? le défenseur insiste, les yeux plantés dans le sol.
Shawn tend la main et la referme sur la bouteille, juste au-dessus de ses doigts.
- Merci Nathan. » son sourire l'éblouit.
⁂
Dans sa grande mansuétude, et surtout parce que des joueurs exténués ne servent à rien, le coach Travis leur a accordé une journée de quartier libre au milieu de tous leurs entraînements.
Jude retient Mark par le bras lorsqu'il propose d'aller tous s'entraîner, et est gratifié des regards pleins de gratitude de leurs coéquipiers -les traîtres !
Comme souvent, ce sont les manageuses qui volent à leur secours quand la situation les dépasse.
« Allez ! Célia frappe des mains. Pourquoi vous ne profiteriez pas de cette journée pour visiter l'île ?
- La brochure touristique dit qu'il y a plein de choses à faire, surtout sur l'île principale ; renchérit Silvia.
La surprise des garçons laisse deviner qu'ils n'ont jamais jeté un œil à cette brochure. Peut-être même que Jack pense que ça se mange.
- Ah là là, quand il s'agit de faire autre chose que s'entraîner, vous êtes bien malins… ! soupire la sœur de Jude et il pique un fard.
- Elle a pas tort, celle-là ! Hurley sourit de toutes ses dents, le faux frère. Bon, moi j'veux aller voir la mer, tu viens Darren ?
- Moi… ? Mais atteeeends- ! » le petit gardien sursaute mais n'a pas le temps de protester que le surfeur l'a déjà attrapé par le bras. Il jette un regard mi-affolé mi-désolé au reste du groupe pendant qu'il se fait traîner au loin.
« Voilà, prenez exemple sur eux ! Célia s'exclame et Axel étouffe un léger rire.
- Hm. » Jude toussote et réajuste ses lunettes. « Eh bien, il paraît qu'il y a diverses boutiques au centre-ville, un petit parc d'attractions, et un musée, alors…
- Ah non ! sa sœur l'interrompt en devinant où il veut en venir. Il n'est pas question que tu passes ta journée au musée, tu viens avec moi faire les boutiques ! »
Cette fois, Axel n'a pas le tact de masquer son rire quand Jude, la mine paniquée, se fait emporter par sa petite sœur qui leur jette un : « Allez, venez ! Camellia, toi aussi !
La douce jeune fille sursaute et balbutie :
- M-moi… ?
- Ben oui ! crie la journaliste qui s'éloigne déjà. Il te faut un maillot de bain, non ?
- Mais enfin, Célia ! » réplique Silvia pendant que la pauvre manageuse rougit comme une tomate sous les yeux des garçons.
« Bon ; Xavier investi des pouvoirs décisionnaires par délégation de Jude (parce que c'est le seul un tant soit peu responsable) intervient : On n'a qu'à aller au centre-ville, qu'est-ce que vous en pensez ? Comme ça on pourra décider quoi faire sur place. »
Ils hochent tous la tête et prennent la marche.
Devant la grande statue qui surplombe la place de l'île centrale, les joueurs se séparent en plusieurs groupes.
Thor se propose d'aider Camellia à choisir une tenue qui ne soit pas un maillot de bain. Il dit qu'il adore habiller ses petites sœurs, et les autres se demandent bien à quoi peut ressembler la garde-robe d'une petite Stoutberg…
Mark ne laisse pas le choix à Archer et l'emmène – le kidnappe, pour un entraînement sur mesure.
« Il ne change pas… » soupire Silvia en adressant un sourire compatissant à un Archer aux traits exsangues traîné par un Mark rayonnant. Nathan se remémore les entraînements à coup de pneu et nul doute que Jack aussi.
La manageuse leur annonce qu'elle part faire les boutiques également, mais pour des souvenirs destinés à leurs camarades restés à Raimon. David se joint à elle, sans doute motivé par la deuxième chance qu'il a eu d'intégrer le FFI.
Le petit groupe restant s'entre-regarde, un peu gênés. Là encore, c'est Silvia qui les sauve :
« Vous n'avez qu'à aller au parc d'attractions ! Dites-nous si c'est aussi bien que la brochure le prétend ! elle leur suggère avant de s'éloigner.
- Pourquoi pas ; Xavier ignore le ricanement hautain de Caleb. Ça vous dit ?
- Carrément ! s'exclame Austin. Vous venez, les gars ?
- Chouette, je vais pouvoir embêter Jack ! Scotty ne perd pas le Nord.
- Ehh, c'est pas gentil, Scotty… !
Le pauvre Jack se cache (c'est l'intention qui compte) derrière Nathan, qui soupire :
- J'ai compris, je vous accompagne. » Où est Célia quand on a besoin d'elle pour tenir le diablotin à carreau ?
Il remarque le sourire de Shawn à cette scène et hausse un sourcil dans sa direction.
« Ça a l'air amusant ! il approuve de sa voix douce. Tu viens, Kevin ?
- Ouais, pourquoi pas. Toi aussi, Axel ! » l'attaquant du dragon met au défi celui de feu qui hausse les épaules. Ils se tournent tous vers Caleb qui croise les bras derrière la tête.
« Hn, comptez pas sur moi pour vous tenir la main dans la maison hantée. »
Ils font semblant de ne pas remarquer les hurlements que pousse Caleb à chaque monstre sur le circuit. Le chauve est tétanisé, agrippant la main d'Axel de toutes ses forces et poussant un autre cri lorsqu'il saisit celle d'un zombie par erreur. Jack se joint au chœur, provoqué dans son cas par les « BOUH ! » intempestifs de Scotty.
Leur manège empêche presque les autres de ressentir la moindre peur, surtout Axel et Shawn qui jouent les baby-sitters auprès de Caleb, mais Nathan a lui aussi quelques frayeurs. En particulier quand un acteur décide de les pourchasser avec une tronçonneuse qu'il sait fausse, mais qui paraît bien trop réaliste dans cette ambiance glauque. Ils prennent tous la poudre d'escampette mais le coureur du vent, lui, trace devant par instinct de survie.
Il s'arrête lorsque les bruits de tronçonneuse s'éteignent au loin et qu'il croit avoir atteint la sortie.
« Hé ! » il voit Shawn débouler dans son sillage, et ressent une certaine satisfaction à le voir ahaner alors que lui est à peine essoufflé.
« T'es trop… rapide… attends-nous… » le garçon s'arrête à sa hauteur, prenant appui sur ses genoux.
Puis, d'un ton malicieux : « T'as eu si peur que ça ?
- N-n'importe quoi… ! réplique Nathan, bien content que la lumière rouge ne trahisse pas la couleur de ses joues.
Soudain, Shawn blanchit plus que d'habitude et il pointe en face de lui.
- N-Nathan, il y a quelque chose s-sur… ton épaule…
- Qu'est-ce que tu racont-… »
Le défenseur tourne lentement la tête, et les deux garçons hurlent à la vue de la main blanche décharnée posée sur l'épaule de Nathan, rattachée à un fantôme qui amorce un mouvement vers eux. Ils se jettent dans les bras l'un de l'autre, puis un Caleb affolé leur rentre dedans, venant d'échapper à la tronçonneuse et rattrapé par le reste de leur groupe.
Cette petite troupe se remet de leur choc juste à temps pour apercevoir la nouvelle menace et Caleb bondit sur ses pieds, traînant un Axel peu impressionné par la main.
C'est donc une jolie brochette de joueurs japonais qui traverse les dernières salles du parcours à toute allure sous les cris d'un Scotty terrifié :
« Pourquoi je suis derrière ! Pourquoi moiiii ! » tandis qu'il essaie de semer le fantôme.
Ils émergent à la lumière du jour, le cœur au bord de l'explosion. Caleb semble reprendre ses esprits et arrache sa main à Axel avec un « tch ! » tout à fait hypocrite. Nathan remarque alors qu'il tient celle de Shawn, ou l'inverse, et ils se séparent avant d'éclater de rire.
Pour se remettre de leurs émotions, ils décident de dépenser leur argent de poche dans des sucreries et autres cochonneries hautement chimiques mais irrésistibles.
Jack dévalise un stand de crêpes et gaufres, aidé par Scotty et Austin. Il fait chaud à Liocott alors Xavier et Kevin se contentent d'une glace chacun. Axel prend du popcorn caramel, suscitant un débat sur le parfum de popcorn à éradiquer de la Terre, et Caleb une pomme d'amour. Son regard assassin fait passer à quiconque l'envie de se moquer de sa langue rouge.
Nathan se triture les méninges face à un stand de barbapapa. L'énorme montagne de sucre a l'air délicieuse, mais impossible à finir tout seul.
« Tu ne prends rien ? » Xavier lui lance un regard, donnant un coup de langue à sa glace fraise.
« C'est beaucoup trop pour moi ; Nathan raisonne sans quitter la sucrerie des yeux.
- Ça va si on partage ? »
Il s'arrache à sa contemplation pour reconnaître Shawn qui lui adresse un sourire discret. Il hausse les épaules mais ça ne parvient pas à dissimuler sa satisfaction, surtout lorsqu'il échange une pièce contre le délicieux nuage et en arrache tout de suite un morceau.
Ses doigts sont à peine visibles autour de la baguette en bois sous les couches rosâtres, et Shawn et lui prennent à cœur de picorer tour à tour des bouts de barbapapa.
« Elle est super bonne ! » commente Shawn, et le défenseur ne peut que hocher la tête à travers l'overdose de sucre.
Ils parviennent à en venir à bout par vingt minutes de leurs efforts conjugués, il doit bien avouer que c'était une bonne idée de partager. Sans le faire exprès, il observe Shawn se lécher proprement – autant que faire se peut – les doigts. Les siens aussi sont couverts de particules de sucre rose qui fondent sous sa langue lorsqu'il les porte à sa bouche.
Dans la queue pour les montagnes russes, Nathan a une impression de déjà-vu. Il fronce les sourcils avant de se rappeler que, c'est vrai, il est allé au parc d'attractions il n'y a pas si longtemps. C'était à Osaka, et il était trop obsédé par sa rivalité avec Shawn pour en profiter. Et voilà que maintenant, il s'installe à côté de lui dans le wagon, rejoint par Kevin.
Il voit Austin coller à Axel, flanqué également de Caleb qui n'a pas l'air d'avoir peur cette fois-ci, tandis que dans la dernière voiture Xavier doit s'interposer entre Scotty et Jack pour éviter un futur drame.
Nathan sent le vent monter avec lui dans le départ, l'accompagner jusqu'en haut de la première courbe sous les piaillements excités et apeurés de ses coéquipiers. Et puis la navette plonge, le vent s'engouffre tout autour de lui, faisant voler ses cheveux.
L'air et le métal vrombissent, la voiture profitant de sa lancée pour entamer une nouvelle montée, et il se sent si vivant. Ses poumons s'ouvrent en grand pour respirer en unisson avec le vent qui claque autour d'eux dans les loopings, et il se joint aux cris de ses amis dans une explosion de joie.
La dernière descente lui donne l'impression de voler, comme lorsqu'il effectue une de ses super-techniques, et son décollage est immortalisé par le flash de fin.
Il doit cligner des yeux plusieurs fois pour se remettre de l'adrénaline qui bout dans ses veines et pouvoir détailler la photo.
Sur le cliché fourni par le parc, il peut voir Scotty et Jack s'accrocher l'un à l'autre comme à une bouée de sauvetage, écrasant le pauvre Xavier au passage. Austin agrippe sa ceinture mais cela ne tempère en rien son air ravi, tandis que Caleb affiche un sourire de psychopathe. Axel ouvre de grands yeux impressionnés et Kevin sourit de toutes ses dents. Peut-être que l'esprit de Nathan est encore embrumé car il voit le Shawn de la photo le regarder lui, le garçon du vent au sourire de plénitude sur les lèvres, avec des yeux émerveillés.
⁂
Le match contre le Costail approche à grands pas. Le dernier match d'Inazuma Japon, le seul encore sur leur route vers le titre mondial. Ils peinent tous à se rendre compte de leur formidable avancée, il y a quelques semaines à peine ils affrontaient Neo Japon ! Et pourtant l'excitation est là, les galvanise autant qu'elle les paralyse, augmentant avec chaque partie remportée, une pierre de plus à l'édifice de leur tournoi.
Ils se préparent à la rencontre chacun à leur façon. Pour Nathan, c'est la mise au point d'une nouvelle super-technique, une qui pourrait briser la défense d'Hector. Certes, l'équipe a trouvé les manuscrits de l'Ouragan Inazuma et du Big Bang au milieu du Stade du Condor. Mais il veut réussir une technique de lui-même, il veut contribuer à l'effort commun, et surtout il s'en sent capable.
Le désir dans ses veines bouillonne tel qu'il lui est difficile de se maîtriser. Il y a là une occasion à saisir. Il ne parvient pas à mettre le doigt dessus, et c'est à catalyser cette énergie dans le ballon qu'il s'escrime depuis plusieurs jours.
Il ignore pourquoi, il a accepté que Shawn le rejoigne. L'ange des neiges a dû percevoir cette envie en lui, et l'a suivi sur le terrain sans mot dire. Nathan ne l'a pas fait partir. Il n'a rien dit quand le garçon s'est saisi du ballon et le lui a renvoyé. Ou peut-être qu'il le sait, au fond, c'est pour prouver quelque chose. À Shawn, mais surtout à lui-même.
C'est pour que quelque chose change.
Quand tous les autres sont à l'entraînement au centre secret -Axel a probablement le droit au Big Bang ; Shawn et Nathan sont seuls sur le terrain du quartier japonais.
Ça ne se passe pas très bien. Dans leurs tentatives effrénées à inventer une super-technique, leur mouvements ne sont absolument pas synchrones et la frustration engendrée par leur suite d'échecs et par la fatigue se fait sentir.
L'air, l'élément central de cette technique, est électrique et lourd de ressentiment. Nathan a du mal à réfréner son exaspération quand il frappe le ballon une seconde trop tard ou quand Shawn s'éternise dans le contrôle de la balle. Une autre passe ratée, un autre soupir qui en dit long. Il ne sait pas contre qui il est le plus remonté, Shawn ou lui. Au moins ils s'accordent dans l'échec.
Pourtant ils ne manquent pas de coordination en match, même avec sept autres joueurs autour d'eux. Et Nathan a déjà réalisé une super-technique en commun, Shawn l'a même fait deux fois avec Kevin et Thor. Ce n'est pas censé être hors de leur portée.
Comme s'il lisait dans ses pensées, l'attaquant s'arrête et, le pied appuyé sur le ballon, il lui demande en reprenant son souffle :
« Nathan, tu as déjà fait une technique avec Jack, pas vrai ?
Ne comprenant pas où il veut en venir, son coéquipier hoche simplement la tête et s'essuie le front.
- Comment c'était ? »
Il a vraiment l'air curieux, et bien que Nathan soit encore sur les nerfs de leurs défaites, il sent un élan d'enthousiasme en se remémorant :
« C'était dur, mais amusant. Jack n'y arrivait pas avec Hurley, je crois que c'est parce qu'il lui en demandait trop. Il ne peut pas courir très longtemps, mais il tient très bien le coup. Tu as essayé de le bouger quand il ne veut pas ? (Shawn secoue la tête) C'est impossible ! il rit. Moi, par contre, je ne suis pas fort comme lui. Alors on s'est dit qu'au lieu de faire courir Jack, je courrais deux fois plus vite pour compenser, et lui encaisserait le choc pour deux.
- C'est quelque chose que seuls vous deux pouvaient faire ; résume l'attaquant.
- Ouais, parce que c'était Jack ! le visage de Nathan s'illumine. Je le connais bien, depuis trois ans ! J'avais confiance en lui.
- Confiance, hein… Shawn a l'air pensif. Tu as raison, j'avais confiance en Kevin aussi. »
La conclusion logique de la phrase reste en suspens dans l'air. Nathan ne peut pas se dire surpris. Après tout, est-ce que lui a confiance en Shawn ? C'est un excellent joueur, ses vieux complexes le lui rappellent bien, mais il a toujours l'impression qu'il lui échappe. Il soupire.
« Tu m'as demandé si mon écharpe me manque. »
Nathan sursaute en entendant le garçon rompre le silence gêné. Il le voit s'asseoir sur le banc, les yeux dans le vague. Ses doigts effleurent toujours sa gorge.
« Est-ce que la pierre Alius te manque ? »
Le défenseur est frappé par une vague de colère choquée. Comment ose-t-il ? Il serre les poings et s'apprête à répliquer quand Shawn reprend sans le regarder :
« Moi… Moi ma maladie me manque. »
C'a été dit sur un ton si doux et Nathan se fige.
« Bien sûr, je suis tellement heureux d'être moi-même, de pouvoir jouer au foot avec mes propres capacités, d'écouter mes désirs. D'être débarrassé des migraines à répétition, des amnésies partielles – j'ai perdu tellement de temps, Nathan. » Il fixe un instant les yeux dans les siens et la douleur qu'il peut y lire le glace jusqu'aux os.
« C'était terrifiant d'être sur le terrain pour le coup d'envoi puis de me retrouver l'instant d'après dans le bus du retour. J'avais l'impression de me perdre. Je me sentais tellement nul, à fondre en larmes au moindre bruit qui ressemble à une avalanche, à passer des matinées entières sans pouvoir bouger car mon corps avait peur. »
Il serre le poing sur sa poitrine.
« Mais, même si je ne contrôlais pas tout ce que je faisais, même si j'ai fait beaucoup de mal, au moins… Au moins Aiden était là. »
Sa voix ne vacille pas mais quelque chose se brise dans son regard. Nathan ne sait pas quoi répondre. Toute parole semble incongrue. Il comprend que c'est la première fois que Shawn admet ces sentiments à voix haute, et peut-être à lui-même. Il les admet à lui, ces pensées immorales et effroyables. Parce que Nathan est coupable du même crime.
Nathan tombe, plus qu'il ne s'assoit, à côté de lui. Il plonge une main dans sa grande mèche de cheveux et se tient ainsi le visage.
« Je… Je ne peux pas totalement comprendre ce que ça fait de perdre sa famille. Mais… Mais je sais ce que c'est de regretter quelque chose qu'on ne devrait pas. »
Il enfonce les ongles de sa main libre dans le haut de son genou.
Shawn écoute.
« Je ne me pardonnerai jamais d'avoir fait cette erreur, de vous avoir fait du mal. Je suis tellement reconnaissant, et je sais que c'est pareil pour Kevin et les autres, que vous m'ayez sauvé des Empereurs Noirs, de pouvoir à nouveau jouer au football avec vous tous. Mais… Mais… »
Il se mord la lèvre et la douleur le lance, familière.
« Je me sentais si fort. Et je sais, » il frappe du poing sur sa cuisse. « Je sais que cette puissance n'avait aucun sens, que personne n'aurait jamais dû l'avoir. Je sais que c'est mal. Mais cette vitesse impossible sans la pierre Alius… elle me manque. »
La mâchoire serrée, Nathan expire profondément par le nez. Il détache enfin le regard de l'horizon, et le tourne vers Shawn.
Il se rend compte qu'il a peur, tout au fond de sa poitrine son cœur comme dans un étau.
Le buteur des neiges à un petit sourire triste.
« Qu'est-ce qu'on est horribles, tous les deux. »
Le défenseur du vent laisse échapper un rire sans joie, la poigne autour de son cœur se desserre.
Et c'est ces deux horribles enfants qui vont créer une technique ensemble.
L'un des deux se lève et tend la main à l'autre. Viens.
Face aux buts adverses, Nathan observe les épaules de Shawn se soulever tandis qu'il inspire profondément. Ses mains tremblent mais il ne fait pas un geste pour les calmer. Elles restent agitées de soubresauts contre ses flancs. Le garçon pose un pied sur le ballon. Puis, en le faisant glisser sur son autre pied tout en effectuant une rotation du bassin, ses bras l'accompagnant dans un mouvement souple, il crée des étincelles de givre et des flocons de neige.
Une technique qu'il n'a pas utilisée depuis longtemps, qu'il a apprise d'un autre.
À ce ballon, je donne mon désir d'incarner mon frère. À ce ballon, je donne ma peur d'être seul.
Le bloc de glace qui enferme la balle ordonne au vent de se lever. La neige et le gel virevoltent dans la tornade du Blizzard Éternel.
Nathan s'élance, le vent court à ses côtés. Le dos de Shawn et la force de la bourrasque se rapprochent, la violence du tourbillon fouette son visage.
Il saute dans l'œil du cyclone.
À ce ballon, je donne mon désir de puissance inatteignable. À ce ballon, je donne ma peur d'être faible.
Nathan et le vent frappent la balle de toutes leurs forces. La comète de glace envoie tout voler sur son passage et file jusqu'aux buts. Dans son sillage sifflant de flocons et de tempête, elle emporte le désir de perfection, la morbide fascination à rouvrir les plaies.
Et les deux enfants et leurs sentiments effroyables hurlent en chœur :
« Ouragan ! »
⁂
C'est comme dans un rêve. Ils ont gagné ! Inazuma Japon sont champions du monde !
Nathan se fait écraser quelques côtes par Jack qui pleure à chaudes larmes, mais il le remarque à peine tant l'euphorie le saisit et il rend l'accolade à son ami. Axel et Hurley ont perché leur capitaine sur leurs épaules, et Mark brandit le trophée d'or qui resplendit sur toute l'assemblée.
Le bruit est assourdissant, fait de cris de joie, de sifflets, cornes de brume, et canons à confetti. Des serpentins et paillettes couvrent la pelouse, se perdent dans les cheveux des joueurs et accidentellement dans la bouche de Scotty.
Dans le tumulte extatique, chacun se laisse ballotter entre ses coéquipiers. Nathan ricoche ainsi de Jack à Kevin, David, même Caleb, échangeant des larmes, des sourires euphoriques, de grandes tapes dans le dos, quand il se retrouve dans les bras de Shawn. Leurs yeux se rencontrent, et l'étincelle amusée qu'il y déchiffre ne fait qu'élargir son sourire. C'est un air de connivence, ils ont participé à marquer contre le Costail avec leur super-technique et nul d'autre ne sait ce que l'Ouragan signifie.
Leurs voix sont noyées en même temps dans le brouhaha :
« Merci. »
⁂
Une fois leurs longs adieux faits à Liocott et aux formidables joueurs qu'ils ont eu l'honneur d'affronter – Mark promet bien sûr de jouer une prochaine fois ! Il est temps de rentrer au Japon. Malgré les efforts du comité FFI à aménager le quartier japonais, rien ne vaut le vrai pays, et ils inspirent tous à plein poumons en posant le pied hors de l'avion.
Après quelques jours à faire le tour de Raimon pour remercier les supporters et les habitants d'Inazuma, Nathan est même surpris quand on lui demande un autographe, vient le moment pour les différents joueurs du pays de rentrer dans leurs régions natales.
Hurley saute de joie à l'idée de retrouver les plages d'Okinawa, et même si Scotty est moins enthousiaste de retourner au Cloître Sacré, ses amis lui ont manqué. Darren est impatient de retourner à Fauxshore, il a promis de tout raconter à son équipe !
Le coach Travis a la bonne idée de déléguer deux membres de Raimon pour raccompagner chaque coéquipier dans leur ville en tant qu'ambassadeurs. Il tient à ce qu'Inazuma Japon remercie solennellement chaque équipe de leur avoir fait confiance avec leurs joueurs.
Mark et Axel partent évidemment pour Fauxshore, Jude et Jordan se chargent de ramener Hurley à Mary Times, et Kevin et Jack de remettre Scotty en mains propres au Cloître Sacré. Xavier, qui regarde autour de lui après avoir jeté un coup d'œil dépité à Jordan, saute sur Shawn et passe un bras autour de ses épaules. D'un ton très enjoué, il alpague son coéquipier :
« Nathan, tu viens avec nous ? »
Shawn esquisse un sourire.
⁂
Et c'est ainsi que Nathan, toujours sans vraiment comprendre ce qu'il lui est arrivé, se retrouve à grelotter dès qu'il pose le pied hors de la caravane Inazuma.
« Au revoir ! » Jude leur fait signe de la main tandis que le moteur ronronne pour repartir. Xavier montre son téléphone à Jordan à travers la vitre, le garçon lui sourit et hoche la tête.
Les ambassadeurs se sont débarrassés de la délégation Kyoto sur le chemin, ils font un crochet par Hokkaido puis redescendent sur Fukuoka pour prendre l'avion direction Okinawa.
La délégation Hokkaido les regarde donc rouler au loin. Xavier éternue.
« Ah, c'est vrai que tu n'es jamais venu ici, Xavier ! » Shawn réalise. Pendant leur recrutement des meilleurs joueurs japonais, Xavier était encore Xene.
« On est en septembre donc ça commence à peine à se refroidir, il n'y a pas encore beaucoup de neige. » s'excuse-t-il presque.
Les deux pauvres Tokyoïtes ne lui font pas remarquer que chez eux, à cette période de l'année les températures avoisinent les 16° et pas les 4°.
Heureusement, la caravane les a déposés juste devant-… Ah non, Nathan se rappelle, le chemin qui mène au collège est trop étroit pour leur véhicule et ils vont devoir marcher comme la dernière fois.
La randonnée, peut-être qu'il exagère, passe un peu moins douloureusement et un peu plus rapidement grâce à Xavier qui découvre les environs. Shawn se fait un plaisir de tout lui expliquer, son visage rayonne, les joues roses de froid. Il dégage une telle fraîcheur, une telle authenticité que Nathan en oublie presque la température mordante.
Tout un comité les accueille lorsqu'ils atteignent les grilles du collège.
« Shawn ! » ses coéquipiers se lancent à sa rencontre et bientôt il se retrouve pris dans une grande étreinte.
« Ça fait plaisir de vous revoir ; leur capitaine sourit à chacun.
- On a vu tous tes matchs à la télé !
- Ouais, t'étais vraiment super, capitaine !
- Qu'est-ce que j'ai eu peur quand tu es parti après le match contre la Corée… Heureusement que tu es revenu !
- Évidemment, qu'est-ce que tu crois ? C'est notre capitaine, il abandonne pas ! »
Nathan et Xavier se tiennent à l'écart, un peu mal à l'aise, quand le capitaine-remplaçant leur fait signe :
« Bah alors, restez pas là ! Vous êtes des amis de Shawn, non ? Merci d'avoir pris soin de lui !
Xavier semble se rappeler leur fonction d'ambassadeurs :
- Merci à vous de nous avoir accordé votre confiance pour le FFI.
- Bien sûr, impossible de perdre avec Shawn ! Vous nous avez vraiment épatés, Inazuma Japon. » Il sourit de toutes ses dents.
« Entrez, on va fêter ça comme il se doit ! »
Après une cérémonie de victoire et de bienvenue dans le réfectoire du collège Alpin, où les deux représentants saluent le principal et quelques professeurs, différents élèves viennent prendre part à ces célébrations, excités à l'idée de rencontrer les joueurs qui leur ont valu le titre mondial.
« Vous restez combien de temps ? finit par leur demander une jeune fille pleine d'espoir.
- Eh bien, nous devons prendre le train dans deux heures…
- Quoi ? Mais ça ne va pas du tout ! sursaute l'un des joueurs Alpins. S'il vous plaît, restez un peu !
- Oh oui ; s'exclame une autre, On veut vous remercier comme il faut ! Il y a plein de choses à faire ici.
Xavier et Nathan se concertent avec des yeux ronds.
- C'est que… Ce n'était pas prévu…
- Et nous ne voulons pas vous déranger… Shawn sûrement beaucoup de choses à vous raconter…
- Puisque c'est comme ça, qu'est-ce que tu en penses, Shawn ?
Le garçon des neiges sourit comme si ça n'était pas une question :
- Évidemment j'aimerais beaucoup passer encore un peu de temps avec vous. Vous voulez bien, Nathan, Xavier ?
Nathan ne peut pas dire qu'il ait envie de partir tout de suite. Ils sont en vacances, et il y a tellement de choses sympa à faire ici, et puis… Shawn ne le quitte pas des yeux.
Xavier sort son téléphone :
- Je vais appeler le coach, voir si c'est possible. »
Le principal, un homme à l'air plus abordable que M. Raimon, hoche la tête et l'accompagne vers son bureau.
« Shawn, il faut que tu les emmènes faire du snowboard, hein ! s'extasie une fille haute comme trois pommes.
- Nathan en a déjà fait la dernière fois qu'il est venu, je crois. » le buteur informe, et l'intéressé est étonné qu'il s'en souvienne. C'était amusant, même s'il n'était pas très doué.
« C'est bon.
L'ouverture de la porte attire leur attention. Ils voient Xavier revenir, le portable à la main.
- Votre coach et votre principal sont d'accord pour vous laisser aujourd'hui sous notre responsabilité. Vous pourrez prendre un train demain après-midi ; leur confirme le directeur. Ils se chargent de prévenir vos familles, ont-ils dit.
- J'ai téléphoné à Jordan, et Mary Times aussi les a invités à rester quelques jours à Okinawa ; ajoute Xavier.
- Il fait plus chaud là-bas.
- Ouais, mais ils ont pas de pistes de snowboard ! rétorque un jeune garçon.
- Ils font du surf, banane !
- Eh, Xavier, t'as jamais fait de snowboard, pas vrai ?
- Du snowboard ? l'alien hausse un sourcil. Non, jamais. Toi si, Nathan ?
Le dénommé approuve et Xavier esquisse une grimace amusée.
- Quoi ?
- C'est juste que… je te vois pas tenir dessus.
- Nathan se débrouillait pas mal. » Shawn vient à son secours. Menteur, se dit Nathan, mais il sourit.
« De toute façon je pense qu'on pourrait faire autre chose ; reprend le capitaine.
- Ohh, quoi ?
Ses yeux pétillent.
- Vous avez déjà fait du patin à glace ? »
⁂
La patinoire est déjà envahie par les joueurs Alpins forts enthousiastes de partager leur passion, même si Nathan les soupçonne de simplement saisir l'occasion de patiner.
Il ne se fie pas, mais alors pas du tout, à cette patinoire qui n'est en fait qu'une étendue gelée dans une des deux cours du collège. Il fait confiance aux capacités des habitués à garantir la solidité de la glace, mais toujours est-il que cette patinoire n'a pas de bords ! Pas d'enceinte à laquelle s'appuyer, s'accrocher, pour délimiter un périmètre de sécurité s'il venait à se faire éjecter !
Nathan n'a pas peur, non, il est rationnel.
Il a du mal à tenir debout dans ses patins, Shawn lui dit que c'est parce qu'ils sont fait pour la glace et non la terre ferme. L'ange des neiges est déjà sur la patinoire, entouré d'autres élèves virevoltant sur la glace. Il se tient près de la limite avec la terre ferme, face à Nathan. Celui-ci jette un regard désespéré à Xavier qui n'a pas encore enfilé ses patins :
« Qu'est-ce que tu fais ?
Le rouge semble les détailler tous les deux un long moment. Puis, il déclare :
- Je vais téléphoner à Jordan, je vous rejoins après.
- Quoi, encore ? » s'ébahit Nathan alors qu'il s'éloigne déjà avec un petit signe de la main.
Il n'a pas d'autre choix que de se tourner vers la patinoire des enfers.
« Tu viens ? » le sourire de Shawn l'empêche d'avouer sa peur.
Alors le défenseur pose fièrement un patin sur la glace et… zouip, oui, il glisse aussitôt et atterrit sur le derrière. Très humiliant. D'autant plus qu'il voit avec horreur le visage de Shawn se tordre dans une très légère grimace de… d'amusement, oui c'est cela, il se moque !
Face à la mine outrée de son coéquipier, l'attaquant a le bon sens de cacher sa bouche derrière sa main gantée et de détourner brièvement les yeux. Nathan tente de se relever, et tombe de nouveau. C'est que ça glisse, cette glace !
Il fulmine encore contre les lois naturelles de la chimie et les atomes d'H2O qui ont eu l'audace de changer d'état, quand Shawn lui tend la main. Son sourire est, cette fois, tout à fait sincère.
Devant son incompréhension, le garçon accentue son geste :
« Allez, fait-il, vas-y. »
Nathan prend sa main. Les doigts se referment sur les siens et il se sent tiré d'un coup vers le haut. Une fois debout, la prise de la deuxième main l'empêche de vaciller. Si proches, les cils de Shawn sont parsemés de minuscules cristaux de givre. De la vapeur s'échappe de ses lèvres lorsqu'il propose d'une voix douce :
« On y va ensemble, d'accord ? »
Le bleu hoche légèrement la tête et est entraîné en avant. Les bras tendus de manière peu harmonieuse, il regarde Shawn patiner en arrière sans sourciller. Ses jambes poussent sur les lames des patins, faisant défiler la glace sous ses pieds à un rythme nonchalant.
« Ne marche pas ; lui explique-t-il alors que les genoux de Nathan rentrent en dedans. Il ne faut pas que tu soulèves le pied, laisse-toi glisser. »
Et effectivement, il se laisse porter par la traction de son nouveau professeur et se rend compte qu'il avance beaucoup mieux. Il peut sentir la chaleur des mains dans les siennes à travers les épaisseurs de gants, et cela lui procure une sensation de sécurité.
Shawn n'a même pas besoin de lancer un coup d'œil derrière lui pour éviter les autres patineurs ou pour savoir quand s'éloigner du bord, il glisse naturellement comme si ses patins étaient engagés sur des rails au circuit pré-défini.
Alors Nathan se laisse guider, agrippant fermement les deux mains offertes à lui. Shawn patine ainsi pour eux deux pendant quelques minutes, puis il effectue un léger dérapage qui fait crisser la glace sous les lames et sursauter Nathan. Opérant un arrêt en douceur, il lui demande :
« Tu veux essayer de patiner ? »
Le défenseur serre la mâchoire et acquiesce. L'attaquant sourit alors et libère une de ses mains. Tout de suite, Nathan se sent tanguer, mais il réussit à rétablir un équilibre maladroit.
« OK, maintenant tu vas pouvoir soulever le pied, mais tu ne le reposes pas tout droit. Tu le déroules en partant du talon et la pointe quitte la glace en dernier derrière toi. Ensuite tu fais glisser la pointe du pied et le reste suit, c'est ça patiner. »
Nathan fronce les sourcils sous ces informations détaillées. Il lève le pied gauche, et lorsqu'il le repose conformément aux instructions, il glisse de quelques centimètres en avant.
« Super, t'as compris. » lui sourit son professeur, et Nathan se souvient que déjà la dernière fois, il mettait tout son cœur à leur apprendre le snowboard. À l'époque il en avait un peu moins bénéficié puisque Shawn devait se partager en onze, alors que maintenant il a droit à des cours particuliers…
Un sourire aux lèvres, il recommence le mouvement.
Il parvient ainsi à patiner de quelques mètres, à un rythme très lent mais qui ne semble pas déranger Shawn. Celui-ci lui tient toujours la main gauche tandis que le bras droit de Nathan est occupé à maintenir l'équilibre. Ce n'est qu'une pression légère au lieu de la ferme prise de tout à l'heure, ses doigts effleurent sa main juste au cas où. Nathan lui en est très reconnaissant à chaque fois qu'il vacille un peu trop et que sa main rencontre celle de Shawn qui la saisit fermement et lui redonne confiance.
Pendant un moment, c'est tout ce qu'il perçoit du garçon tant il est concentré sur la glace sous ses pieds. La valse des patineurs autour d'eux lui parvient étouffée, son focus réduit à ses propres patins, jusqu'à ce qu'un violent contact lui fasse perdre l'équilibre et l'envoie presque s'étaler par terre.
« Oups ! Pardon, vous deux ! » leur lance Xavier, filant déjà après lui être rentré dedans et l'avoir propulsé dans les bras de Shawn.
Oh.
Il se rend compte alors que ce qui lui a évité la chute est le garçon qui l'a attrapé juste à temps par la taille et le serre maintenant contre sa poitrine. Un instant le temps est gelé comme la glace autour d'eux, et Nathan peut entendre les battements de son cœur, ou est-ce celui de Shawn, résonner à ses oreilles.
Son étreinte est tiède, comme une couverture bienvenue contre le froid qui les entoure, puis brûlante quand Nathan met une seconde de trop à se détacher.
« Ça va ? » le visage de Shawn est penché sur lui. Ses joues sont rosies par l'exercice et le froid, et ses long cils blancs effleurent le haut de ses pommettes, voilent ses yeux gris pleins de sollicitude.
La brise environnante prend de l'élan et crée un couloir de vent autour d'eux, les isolant du monde.
Nathan cligne des yeux et la bourrasque se dissipe.
« Oui, merci. » il parvient à formuler, les jambes un peu tremblantes. Shawn l'aide à se remettre complètement sur pied, sa poigne est chaude.
« Je pensais que Xavier savait patiner vu comme il se déplaçait ; son professeur détourne la tête. Mais on dirait que c'est pas encore tout à fait ça. »
Nathan ressent une pointe de satisfaction à reconnaître leur ami effondré par terre quelques mètres plus loin, entouré de plusieurs élèves en train de lui prêter main forte. Bien fait.
Pour bien remuer le couteau dans la plaie, il patine – maladroitement, toujours épaulé de Shawn en garde-fou, jusqu'au rouge étalé sur la glace et le toise de sa hauteur toute relative.
« Alors, comme ça on rentre dans les gens ?
Xavier relève la tête, sa joue droite couverte de cristaux de givre.
- Remercie-moi, plutôt.
Devant l'apparente confusion de son camarade, il lève les yeux au ciel.
- C'est pas parce que Shawn te tient la main que tu sais patiner, non plus.
- Ah ouais ? Je vais te-… »
S'en suit un brouhaha invraisemblable où les deux se poussent mutuellement, tout en s'accrochant l'un à l'autre pour ne pas tomber, sous les yeux perdus du seul sachant patiner. Une de ses amies le retient lorsqu'il essaie de rompre la bagarre maladroite, elle lui fait signe de laisser tomber.
Nathan s'arrête dans son jeu de pousse-moi-je-te-tire puéril lorsqu'une petite élève s'écrie :
« Oh, regardez ! »
Xavier et lui se tiennent toujours les bras alors qu'ils contemplent le spectacle.
Shawn patine sur la glace, se déplaçant avec aisance. Il échange des sourires et des clins d'œil avec ses amis virevoltant autour de lui, il n'y a aucun effort pénible dans les muscles de son visage. À la rigueur, un léger froncement de sourcils professionnel qui ne dérange en aucun cas l'harmonie de ses traits.
D'élégantes étincelles de glace surgissent de sous la lame de ses patins, l'enveloppant dans un tourbillon de givre dans lequel il se meut avec grâce, le plus naturellement du monde. Comme s'il retrouvait un vieil ami.
« Ça fait plaisir de voir le capitaine comme ça. » un coéquipier exprime tout haut ce qui leur a tous traversé l'esprit.
Nathan est bien obligé de reconnaître le sourire paisible qui illumine le visage du garçon des neiges tandis qu'il danse dans son élément. Il aime la neige de tout son cœur, et cela fait presque monter les larmes aux yeux du garçon du vent.
Il les essuie bien vite lorsque Shawn les rejoint en un dérapage parfaitement maîtrisé.
Le sourire radieux qu'il lui adresse en lui tendant la main pour un autre tour réchauffe tout son corps.
⁂
Le soir tombé, c'est frigorifiés et fourbus que les patineurs rentrent au chaud au réfectoire.
Après un dîner sommaire mais très apprécié, Xavier et Nathan remercient les adultes du collège qui leur ont organisé une petite place dans les dortoirs. Et alors qu'ils sont assis à discuter sur l'horaire du train à prendre le lendemain, une petite troupe d'élèves Alpins vient les sortir de leurs préparatifs.
Ils se retrouvent bientôt dans l'une des plus grandes chambres du dortoir des filles, assis en cercle sur des piles de futons et couvertures éparses. Par la fenêtre, le jour décline rapidement et la luminosité décroît, faisant s'installer une ambiance relaxante.
Nathan est assis à côté de Shawn et lui lance un regard interrogatif. Celui-ci hausse les épaules, désinvolte. À gauche de l'attaquant, Xavier remercie un garçon qu'il a appris s'appeler Robert pour la couverture. Face à eux, une joueuse blonde nommée Joaquine bat des mains et s'exclame :
« C'est parti pour la soirée de bienvenue, et d'au revoir, des amis de Shawn ! À quoi vous voulez jouer, ce soir ?
Nathan comprend qu'il s'agit d'une tradition destinée à les mettre à l'aise, et il se détend.
Une petite fille proteste quand son coéquipier Sean sort des jeux de cartes.
« Ah non, pas encore !
- Tu dis ça parce que tu as perdu hier, Kerry… bougonne le môme encapuchonné.
- Et avant-hier ; ajoute son coéquipier Roland.
- Pas du tout ! C'est juste qu'il faut quelque chose de plus amusant ! Tu ne vas pas les faire bailler aux larmes, quand même ? de ses petits bras elle désigne les invités d'honneur, embarrassés d'être le centre de l'attention.
- Qu'est-ce que tu proposes, alors ?
- Je sais ! À quoi vous voulez jouer, vous ? Kerry se tourne vers les Inazuma-ziens.
- Donc elle n'avait même pas d'idée…
- Euh, eh bien… Nous ne voulons pas imposer… » commence Nathan, pris de court.
Xavier regarde autour de lui, plongé en pleine réflexion. Puis, avec un sourire beaucoup trop amusé pour être sans arrière-pensées, il lève un index :
« Et pourquoi pas un Action ou Vérité ?
- Oh chic ! bondit Kerry.
- C'est la meilleure façon de se connaître un peu plus ! approuve Joaquine.
Les garçons ont des mines quelque peu circonspectes.
- Allez, j'y joue beaucoup avec mes sœurs, c'est marrant ! les exhorte Xavier.
Tout s'explique, se dit Nathan, même s'il a du mal à imaginer les filles aliens comme les peu commodes Bellatrix et Clare, s'adonner à un jeu si futile.
- Eh bien, pourquoi pas. » la voix de Shawn le fait sursauter, et il le fixe avec des yeux ronds.
« Si Shawn est d'accord, ça me va ! le garçon aux cheveux violets à côté de Xavier hoche la tête.
- Ouais, d'accord ! Sean range ses cartes.
- Bah, ça peut être sympa… » Roland croise les bras.
Nathan a bien envie de leur demander s'ils ont tous douze ans ou quoi, mais il réalise que certains dans la pièce ne sont même pas si âgés. Il accepte donc à moitié à contre-cœur.
Ils choisissent les tours en faisant tourner une bouteille d'eau. Nathan a passé tous les siens à faire des gages inconséquents comme des pompes ou détacher ses cheveux – comme si c'était un grand mystère !
Joaquine a déjà dressé la liste de tous les garçons et filles qu'elle a embrassé, apparemment c'est une vraie briseuse de cœurs. Kerry a eu pour défi d'engloutir trente cookies d'un coup et c'est à se demander combien son petit corps peut contenir. Shawn n'a fait que des actions, dont l'une de sortir en t-shirt qu'il a forcément réussi avec brio, et Xavier assouvit volontiers toute la curiosité de leurs hôtes concernant sa famille originale.
Après que Roland ait ordonné à Joaquine de retirer son chapeau, ce qu'elle a fait sans broncher (comme quoi il y a des mystères qui n'en sont pas), celle-ci se frotte les mains quand la bouteille atterrit sur Xavier. Il choisit Vérité.
« Très bien ! » Nathan jurerait voir un sourire sadique traverser son visage un court instant.
« On va passer aux choses intéressantes… Est-ce que tu es amoureux de quelqu'un ?
- Pff, c'est bien une question de fille… soupire le défenseur.
Aussi sursaute-t-il quand Xavier réplique sans hésiter :
- Facile, ça… » son sourire est assuré et même un peu fier. « C'est Jordan. »
La mâchoire de Nathan tombe au sol tandis que les joueurs poussent des cris d'excitation. Il jette un coup d'œil à Shawn et force sa bouche à fonctionner pour demander :
« Tu savais ?
- Non ; Shawn paraît pensif. Mais je me disais bien qu'ils étaient très proches… »
Très proches, hein ? Rien ne lui avait jamais sauté aux yeux. Il apostrophe Xavier qui est en train de montrer des photos de Jordan sur son téléphone aux filles et à Robert :
« Vous… Vous êtes ensemble ?
- Pas encore, alors ne lui dites pas, s'il vous plaît ! sourit Xavier en faisant défiler une énième photo.
- Promis ! s'extasie Kerry et personne ne lui fait remarquer qu'elle a peu de chances de croiser le garçon.
- M-mais tu vas lui dire ? poursuit Nathan.
Xavier lui lance un regard bizarre.
- Ben oui, qu'est-ce que tu racontes ?
- Il a l'air très mignon ! les interrompt Joaquine. On est avec toi, Xavier !
- Merci ; sourit-il gentiment en rangeant son téléphone. Bon, maintenant à moi. »
Lui aussi se frotte les mains avant de tourner la bouteille. C'est comme si l'atmosphère avait changé…
Nathan est presque sûr que quelqu'un a touché la bouteille avec son genou lorsqu'elle s'arrête sur Shawn.
Dans les yeux verts de Xavier brille une lueur de défi.
« Shawn ! Action ou Vérité ?
- Action ; le sourire qui lui fait face est impassible.
La commissure des lèvres de l'alien s'étire en un rictus carnassier :
- Tu dois nous dire si tu es amoureux de quelqu'un.
- C'est de la triche ! s'interpose Nathan. Il a choisi Action.
- Et je lui donne l'action de dire s'il est amoureux de quelqu'un.
- Ça compte, ça ? Roland se tourne vers Joaquine.
- On peut laisser passer pour cette fois ; décide l'auto-proclamée arbitre.
- Alors, Shawn ? » Xavier arrive presque à avoir l'air honnête.
Nathan remarque alors que la moitié du cercle affiche un sourire béat, pendue aux lèvres de leur capitaine. Il se rappelle effectivement avoir entendu dire que Shawn est plutôt populaire auprès de son collège, et il lève les yeux au ciel.
« Hm, eh bien… » le capitaine Alpin est plongé un moment en pleine réflexion, les yeux divaguant sur le sol.
« Je ne sais pas si on peut appeler ça comme ça. Je dirais que je suis… intéressé. »
Il relève les yeux sans regarder personne en particulier et leur offre son sourire le plus ingénu.
« C'est quoi cette réponse ! geint Sean. 'Faut être plus clair, capitaine !
- Il a le droit de le formuler comme ça ; tempère Xavier qui trouve ça follement amusant.
- Oui, c'est une réponse acceptable. » tranche l'experte blonde, et si elle est déçue elle n'en montre rien.
« À toi, Shawn.
- Nathan ; il se tourne vers sa droite. Action ou-
- C'est pas comme ça qu'on joue ! l'interrompt Kerry. Il faut faire tourner la bouteille !
Nathan cligne plusieurs fois des yeux tandis que Shawn se retourne vers les autres.
- C'est vrai, c'est vrai… s'excuse-t-il poliment.
- Ça fait cinq tours, tu devrais le savoir, hm… ? susurre Xavier.
- Je tourne la bouteille alors tais-toi ; le sourire de Shawn est polaire. Tu vas fausser le résultat. »
C'est dans une sorte d'absence que Nathan entend le tour se passer. Le sang bourdonne dans ses oreilles et sa vision est trouble, il sent des picotements dans le bout de ses doigts. Sa bouche est sèche, il passe sa langue sur ses lèvres pour les humidifier. Secouant la tête pour se remettre les idées en place, il met ça sur le compte de la fatigue. Après tout, il fait maintenant nuit noire et ils ont beaucoup bougé aujourd'hui.
Il sursaute quand Roland lui adresse la parole, et se rend compte que tous les regards sont braqués sur lui.
« Nathan, Action ou Vérité ? répète le joueur en détachant les syllabes.
- Vérité ; dit-il sans réfléchir.
- Ah, ça change ! approuve Joaquine et il réalise son erreur.
- Bien, alors Nathan, hm… Roland réfléchit un instant, les sourcils froncés. Je sais, que penses-tu de notre capitaine ? On a vu votre super-technique ensemble, vous devez bien vous connaître !»
Nathan reste coi à cette question. Ce qu'il pense de Shawn ? Voilà un moment qu'il n'y avait pas songé. Qu'est-ce qu'on répond à ce genre de question, qu'est-ce qu'il peut dire ? En plus il ne le connaît pas si bien que ça apparemment, puisqu'il n'avait aucune idée que Shawn était « intéressé » par quelqu'un, ni ce que ça veut dire…
Alors qu'il cherche à mettre de l'ordre dans ses pensées en vrac, c'est l'intéressé lui-même qui intervient :
« Il est tard, on devrait rentrer, non ?
Sa voix est douce mais ferme, et quand Nathan lève les yeux vers lui sa chevelure neige brille sous l'éclairage artificiel.
- Quoi ? Mais il n'a pas répondu ! s'indigne Kerry.
- C'est parce qu'on est fatigués, tous les deux ; fait mine de s'étirer Xavier. J'ai sommeil, moi…
- Oh, eh bien alors… hésite Robert qui ne veut pas déranger leurs invités.
- Vous vous rappelez la dernière fois qu'on a veillé tard ?
- Le directeur nous a passé un savon ! couine Sean au rappel de son capitaine. Oh non, je ne veux pas déblayer tout le terrain encore une fois, s'il te plaît Joaquine… !
- Bien… la jeune fille croise les bras. On arrête alors. Merci d'avoir passé la soirée avec nous, c'était super ! » elle offre un sourire chaleureux aux deux visiteurs.
« On vous laisse retourner au dortoir des garçons ! »
Tous disent au revoir aux filles après avoir aidé à réarranger les futons et les couvertures, et les garçons sortent dans le couloir à petits pas.
Leur dortoir est dans le bâtiment d'à-côté, relié par un long couloir de secours à peine éclairé par les loupiotes d'urgence vertes. Tandis que les trois élèves Alpins continuent la marche, Shawn arrête Nathan et Xavier et leur chuchote, sa voix amusée dans le noir :
« Il y a quelque chose que je voudrais vous montrer. »
⁂
Les trois garçons émergent à l'air libre sur le toit du dortoir. Nathan plisse les yeux sous le vent soudain, qui leur claque au visage. Mais il les écarquille bien vite devant le spectacle qui s'offre à eux.
Au-dessus de leurs têtes, le ciel est parsemé d'étoiles scintillantes.
« Vous ne voyez pas ça en ville, pas vrai ? » les mots de Shawn retentissent dans l'immensité.
Xavier pousse un soupir impressionné : « Même pas besoin de télescope… »
Ils s'assoient au milieu du toit, et Nathan ne se soucie pas du règlement scolaire tant il est fasciné. L'air est frais, et les quelques nuages doucement ballottés par le vent ne font que mettre l'accent sur les étoiles. C'est comme un planétarium.
D'une voix qui ne dissimule pas son enthousiasme, Xavier leur pointe différentes constellations, leur expliquant comment tracer les dessins de la voûte céleste.
Puis au bout d'un moment à contempler les étoiles en silence, leurs poitrines se soulevant dans le même rythme paisible et régulier, Xavier se lève.
« Je vais passer un coup de fil à Jordan, et puis je vais me coucher. Prenez votre temps…
- C'est ça, va souhaiter bonne nuit à ton amoureux et arrête de nous casser les pieds. » plaisante Nathan, et son ami lève les yeux au ciel mais a déjà sorti son téléphone.
Une fois que la porte du toit a retenti derrière eux, et après un court instant de réflexion, Nathan ose amorcer :
« Au fait, pourquoi tu m'as empêché de répondre tout à l'heure ? J'aurais pas dit un truc vache, tu sais.
- Je sais. » élude Shawn d'un ton calme.
Ses mots tombent dans le silence, ancien et familier. Ils pèsent dans l'air qui enveloppe tout le corps de Nathan, et résonnent dans ses oreilles en même temps que les vibrations de son cœur.
Il tente de déchiffrer le visage de profil de Shawn, illuminé par les étoiles. Il aurait tellement d'autres questions à lui poser. Mais il sent quelque part que s'il prononce un mot de plus, quelque chose va basculer. Quelque chose qui a à peine commencé à se frayer un chemin en lui.
Les non-dits flottent entre eux. Nathan se laisse baigner dans la seule réponse possible, amplifiée par l'infini des étoiles au-dessus d'eux, leurs respirations mêlées sous le ciel.
Le temps passe, et il frissonne.
« Tu as froid ? » remarque Shawn, et le monde redevient un peu plus réel.
Le défenseur est contraint d'acquiescer, c'est que les nuits de septembre commencent à être fraîches.
« Tiens ; fait le garçon en lui tendant sa veste.
- Mais… Mais toi ? bredouille-t-il bêtement.
- J'ai l'habitude. » sourit celui qui a rempli un défi similaire il y a quelques heures à peine.
Nathan met donc la veste de Shawn sur ses épaules. Le tissu est tiède de la chaleur humaine et dégage une légère odeur de neige. Il se sent tout de suite plus à l'aise.
Avec surprise, il aperçoit Shawn s'allonger sur le dos pour mieux regarder le ciel. Lorsqu'il fait de même, Nathan a le souffle coupé.
Toute la voûte céleste les surplombe, s'étendant à perte de vue. Et eux, deux petits points à la dérive dans cet océan stellaire. Comme un homme en mer, il essaie de repérer les constellations que Xavier leur a montré, mais le changement de perspective rend la tâche compliquée. Il trouvait ça difficile de base aussi. Mais il est presque sûr que l'une de ces étoiles les plus brillantes est la Grande Ourse.
De nouveau leur environnement s'éloigne, vogue au loin sur les flots de l'infini du ciel, et ce n'est plus qu'eux seuls au monde. C'est étrangement rassurant, un point d'attache dans le creux de son estomac.
« C'est ce que j'aime le plus ici » commence Shawn même s'ils savent que la neige est la grande gagnante. « J'adorais regarder les étoiles avec Aiden, quand on était petits. Il inventait des constellations, je les ai toutes oubliées. » la plaisanterie dans sa voix sort étranglée.
« Enfin là, c'est quand même la Grande Ourse. »
Il pointe du doigt une des étoiles parmi lesquelles Nathan avait jeté son dévolu.
« J'aimerais tellement qu'il soit là. » il murmure enfin et la fin de sa phrase tombe dans les profondeurs de la nuit.
De longues minutes s'étirent sous la course des étoiles, et finalement Nathan redresse la tête :
« Shawn… Tu pleures ? »
Une respiration hachée vient confirmer ce qu'il savait déjà, résonnant dans le vide. Nathan repose la tête sur le sol et garde les yeux sur le ciel.
Au moins, Aiden était là.
Et ça le transperce, la solitude infinie que les étoiles projettent sur lui. Il laisse échapper une goulée d'air, comme se noyant dans l'océan d'encre, et soudain l'éloignement du monde devient terrifiant, froid. Luttant contre les vagues qui se fracassent sur lui pour l'emporter, il saisit la main de Shawn doucement.
La chaleur qui irradie de leur prise fait reculer la nuit et il a l'impression que les étoiles regagnent sagement le ciel.
Il sent Shawn se raidir au contact de sa main, puis ses muscles se relâchent et il pousse un grand soupir, comme s'il se déchargeait de tout l'air en trop dans sa poitrine. Nathan ne lâche pas sa main, les étoiles redeviennent de simples étoiles et il leur déclare :
« Il les regarde. Ce sont toujours les mêmes. Aiden regarde les mêmes étoiles que toi. »
Alors Shawn éclate enfin en sanglots, et ses doigts serrent les siens.
⁂
Le lendemain et pour fêter leur départ, mais surtout parce que jouer contre Inazuma Japon n'arrive qu'une fois dans sa vie, l'équipe Alpin leur propose un petit match amical.
Ce sont des équipes réduites de six chacune qui s'affrontent. Dans l'une, Xavier en attaque et Nathan en défense, et dans l'autre Shawn qui reprend sa place de buteur Alpin.
Pour une fois que l'enjeu n'est ni sauver le monde, ni représenter tout un pays, ils comptent en tirer le maximum et profiter enfin d'un match sans conséquences planétaires. Juste eux, le ballon, et l'esprit de compétition.
Nathan sent ce dernier courir dans ses veines, charrié par l'adrénaline qui parcourt son corps et fait vibrer son cœur d'excitation. Il peut percevoir la même lueur galvanisée dans les yeux gris lorsqu'il fait face à Shawn, son ennemi. Et sa bouche est sèche, et ses mains tremblent, et son champ de vision est réduit au seul attaquant devant lui, et ses tympans sourds au monde extérieur, quand seuls eux deux existent au contact du ballon.
Des mois d'observation lui font remarquer le léger mouvement des doigts que Shawn amorce pour une super-technique, et Nathan ne lui en laisse pas le temps. La Danse d'Éole les enveloppe bien vite, les scellant aux yeux du monde dans un cyclone qui tourbillonne en même temps que le défenseur court autour de l'attaquant. Shawn ne peut s'empêcher de le suivre du regard, lui et son sourire plein de défi, s'offrant prisonnier à la bourrasque qui l'encercle.
Et puis Nathan plonge à sa rencontre, leurs visages de profil se frôlent un instant disparu en un battement de cil, et son pied subtilise le ballon à la prise de l'ange des neiges tombé en adoration.
Shawn ne peut que reconnaître les cheveux qui lui effleurent la joue alors que leur propriétaire s'élance au loin avec un clin d'œil pour ses arrières.
Une vingtaine de minutes plus tard, le coup de sifflet final retentit. Le match se termine sur une victoire de l'équipe menée par Inazuma, et Joaquine et Robert sautent dans les bras l'un de l'autre en se félicitant d'avoir choisi Xavier et son Météore Géant.
Les joueurs se serrent la main pour remercier chacun de ce beau match, les représentants d'Inazuma Japon peuvent repartir à la maison avec un sentiment d'accomplissement. Au moment de leur poignée de main, Nathan se rend compte que Shawn n'a pas porté une seule fois la main à son cou.
Lui et Xavier se font raccompagner jusqu'à la gare en fin d'après-midi. Tout en saluant depuis le quai les deux joueurs montés dans le train, Shawn forme les mots :
« À bientôt ! »
⁂
Plus tard, bien plus tard, quand des années se sont ajoutées au dernier chiffre de leurs âges.
Il fait nuit dans le chambre de Nathan. La fenêtre ouverte par cette étouffante nuit d'été laisse passer peu de brise, mais surtout le bruit des grillons et de la rivière Inazuma au loin. La lumière de la lune se découpe à travers les stores, tombant sur la joue du garçon.
Celui-ci ne dort pas, pour changer. Le ronronnement du ventilateur en fait peu pour atténuer la chaleur qui colle des mèches de cheveux à son front et sa poitrine. Et le bruit constant de frottement dans le futon d'à-côté n'aide pas à trouver le sommeil.
« Tu n'arrives pas à dormir ?
- Il fait trop chaud. » Shawn se lamente.
Ça, il ne va pas le contredire. Nathan soupire et, jugeant qu'il ne s'endormira pas de sitôt, repousse le drap et descend du lit. Son ami lui fait une petite place pour qu'il s'assoie sur un bout du matelas posé par terre.
Malgré le haut de son t-shirt qui baille, sa peau blanche est couverte d'une fine pellicule de sueur. Ses cheveux neige bouclent sur les tempes, les joues rougies par la chaleur. Nathan l'asperge d'un coup de brumisateur et il rit. Des gouttelettes ruissellent de ses cils le long de ses pommettes, s'accrochent dans les plis de son cou et plongent de la clavicule pour rouler là où le t-shirt masque la vue.
Nathan coince l'éventail en papier entre ses cuisses, le temps de rattacher ses cheveux trop étouffants en une queue de cheval plus disciplinée. Shawn le regarde faire comme s'il ne l'avait pas déjà vu des centaines de fois au cours de ces années.
Durant ce laps de temps, Nathan est revenu à Hokkaido, puis Shawn à Raimon pour d'autres missions impliquant de sauver le monde à coup de football, mais aussi simplement pour jouer avec ceux qui l'ont accepté comme coéquipier tant d'années auparavant.
Et puis ils ont continué à se voir, ici et là, à passer des après-midi et soirées entourés de leurs amis, à discuter, autour d'un film, d'un jeu-vidéo, et de plus en plus rien que tous les deux. Et finalement, Shawn était venu passer quelques jours chez Nathan, à supporter l'été d'un vrai Tokyoïte.
Les lourdes mèches bleues s'enroulent autour des doigts de Nathan pour dévoiler le creux de l'épaule au cou, la peau légèrement hâlée jouant avec les ombres de la nuit.
Il sursaute quand Shawn lui tend la main et avise sa manœuvre, jusqu'à ce qu'il lui tende son élastique à cheveux. Prenant cela comme la réponse à sa question muette, Shawn s'extirpe de son drap pour s'installer derrière lui.
Nathan a une seconde d'hésitation avant de laisser retomber sa main, et ses cheveux glissent dans les doigts de l'autre. Shawn rassemble le tout en une masse uniforme qu'il entoure de ses doigts, et le défenseur est soulagé qu'il ne dise rien sur l'état sans doute transpirant des cheveux à la base de son crâne. Un fin duvet parsème sa nuque, ses poils se hérissent quand le garçon vient l'effleurer en remontant sa prise vers le haut du crâne, et Nathan ne peut s'empêcher de frémir.
Les doigts de Shawn sont fins bien qu'un peu maladroits dans leur besogne, peu habitués à la coiffure. Et s'il met un peu de temps à s'affairer, qu'il laisse ses doigts errer derrière ses oreilles et dans les cheveux déjà rassemblés, c'est purement involontaire. Son souffle chaud vient à passer près de l'oreille de Nathan, l'asphyxiant davantage et il se mord la lèvre.
Puis enfin, après de longues minutes à s'escrimer sur une simple queue de cheval, le claquement sec de l'élastique retentit et le poids de ses cheveux quitte les épaules de Nathan, bientôt remplacé par un autre.
Il tressaille au contact des mains de Shawn sur son dos, plaquées calmement sur ses omoplates. La chaleur se diffuse à travers le tissu de son débardeur.
Nathan tourne la tête pour le voir. Les yeux de glace luisent dans la pénombre, reflétant la lumière de la lune sur lui. La nuit aspire le monde environnant et Nathan se sent à sa merci. Mais il trouve ça rassurant.
Shawn chuchote, de sa voix posée :
« Nathan, est-ce que tu… m'aimes ? »
Les grillons bourdonnent dans ses oreilles et la nuit pèse dans sa gorge, asséchant sa langue.
Shawn a toujours été le plus courageux d'eux deux.
Nathan se remémore cet après-midi-même, où ils ont joué dans le jardin. Il avait aspergé Shawn avec le tuyau d'arrosage et ç'avait fini en bataille d'eau généralisée.
Et comme il avait eu envie de l'embrasser, à cet instant, lorsqu'ils s'étaient retrouvés l'un sur l'autre, l'eau dégoulinant de ses cheveux pour tomber en pluie irrégulière sur le visage de Shawn. Quand ses lèvres au sourire radieux étaient tombées entrouvertes alors que des nuages voilaient son regard, les yeux gris intenses ancrés dans les siens comme il le fait maintenant, leur respiration saccadée comblant l'espace entre leurs deux corps.
Et peut-être avant, sur le toit du collège Alpin. Peut-être toutes les autres fois.
Le silence les enveloppe, tendre et familier.
Pourquoi Shawn pose-t-il des questions auxquelles il connaît déjà les réponses ?