For the sin of swallowing the sun.

Perlaboration

Inazuma Eleven - 10/09/2021

2,382 mots.

    On ne finit jamais d'être enfant, même quand on en a un soi-même, Xavier réalise.

Commentaire de l'auteur.e:
... Oui bon vous aurez compris que j'ai des problèmes mdr.

La pièce finale à la trilogie d'introspection sur Xavier que j'ai accidentellement créée avec Le chant des étoiles, puis Coutures... Xavier grandit à travers mes fics en même temps que moi, je suis ému :') mais pas besoin de lire celles-là pour profiter de celle-ci, elles ont juste des thèmes similaires.

Inazuma Eleven : le coup de l'Académie Alius c'était dur, mais sinon les enfants de l'École du Soleil vont bien ! :)
moi : laissez-moi vous raconter comment ils sont tous trauma-

Blague à part, je voulais écrire quelques vignettes sur la vie de famille de Xavier, Jordan et Aitor, et leur signification pour Xavier. En cherchant, j'ai découvert que le père d'Aitor l'avait confié à l'orphelinat parce qu'il avait perdu son travail et ne pouvait plus l'élever. Toujours de la bonne humeur dans Inazuma Eleven !
Donc oui, du hurt/comfort familial (j'essaie d'être drôle aussi), désolé si c'est pê niais parfois... Moi ça m'a fait du bien de l'écrire !

[la perlaboration est le processus psychique par lequel le sujet traverse un conflit psychique en y étant confronté encore et encore. Que ce soit par la répétition réelle, ou la mise au travail symbolique par la mise en pensée et en mots. Le sujet se décolle de l'évènement et dans ce décalage entre le réel et le symbolique, un changement peut advenir.]

Disclaimer : Inazuma Eleven appartient à LEVEL-5.

Assis à la table de la cuisine, Jordan soupire et se tient le front. Il tend à son compagnon le cahier de correspondance d'Aitor. Toujours indiscipliné, mais surtout il tourmente ses camarades et perturbe l'équipe Raimon dans son entraînement.

« 'Faut qu'on lui parle. » dit-il et Xavier ne peut qu'acquiescer.

L'enfant qui l'a frappé en plein cœur quelques années plus tôt dans la cour de l'orphelinat, à présent un ado de treize ans qui mange trois fois son poids et laisse traîner ses affaires sales dans le couloir. Et qui fait semblant d'être un SEED pour mieux intimider ses pairs.

Jordan et Xavier ne comprennent pas ce qu'il lui prend, il n'y a rien d'enviable à être le jouet d'adultes assoiffés de pouvoir. Ou peut-être, Xavier voit la petite tête bleue dépasser du canapé, il y a quelque chose de rassurant à avoir une raison pour mal agir.

Mais tout de même, ça ne lui donne pas le droit de se battre avec tous ceux qui l'ennuient. En plus il perd.

Aitor ôte la poche de glace de son œil quand il sent les adultes approcher, et lâche un soupir à fendre l'âme en comprenant qu'il ne coupera pas à la discussion.

Xavier ne sait pas trop quand la conversation s'est transformée en dispute, il faut dire qu'Aitor a l'art de se montrer irritable, mais toujours est-il que quelques minutes plus tard le garçon bouillonne de colère. Lui, est simplement un peu agacé et son ton monte à peine quand il lui explique encore qu'il ne peut pas jouer au SEED comme ça.
La tension monte et gronde autour d'eux, ricochant sur les quatre murs du salon, pour finalement exploser quand Aitor fulmine :

« De toute façon t'es pas mon père ! »

Les mots claquent à sa suite tandis qu'il part s'enfermer dans sa chambre.

Xavier déglutit, ses oreilles bourdonnent encore du taux de décibels. Il s'assoit dans le canapé rouge en même temps que l'électricité dans l'air s'apaise, et Jordan vient le rejoindre. Il se frotte le visage.

Bien sûr qu'Aitor a dit ça sous le coup de la colère, lui-même avait dû sortir ça à Lina quand il était gosse. Et c'est vrai, Xavier n'est pas son père. Il lui avait simplement proposé de venir vivre avec eux, et l'enfant avait dit oui.

Toutes ces années auparavant, quand Xavier venait donner un coup de main à sa sœur comme d'habitude, et qu'il parlait et s'amusait avec les pensionnaires, et qu'un nouveau avait attiré son regard. Il était plus grand que la plupart quand ils rejoignent l'orphelinat, déjà dix ans. Et sa façon qu'il avait de jouer dans son coin, lui avait rappelé l'enfant qu'il était avant que Isabelle & co. ne se décident à l'inclure à leur bande.

Xavier sourit en se souvenant comment, à chacune de ses visites, Aitor osait s'approcher un peu plus. Qu'il s'était donné pour objectif secret de lui décrocher un mot, puis un sourire. Il avait vu l'enfant s'ouvrir graduellement aux autres, et bientôt il leur passait le ballon au lieu de jongler tout seul. Jordan n'avait pas été dupe aux regards attendris de son compagnon, comme maintenant il comprend le sourire nostalgique qui étire ses lèvres.

« Il grandit, hein ? » l'homme au cheveux verts lui prend la main.

Chaque évènement insignifiant de leur vie avec Aitor les ramène à un temps plus ancien. Cette histoire de SEED les touche plus profondément qu'ils ne l'auraient aimé, et sans doute que l'adolescent l'a perçu. Sans doute que ça l'a effrayé, de sentir cette faille en eux.

Xavier serre les doigts dans les siens et soupire avant de se lever.

Devant la porte close de la chambre d'Aitor, il garde son poing levé en l'air un instant. Ça fait mal quand même. Il sait, que pour Aitor son père est celui qui l'a confié à l'orphelinat parce qu'il ne pouvait plus s'occuper de lui. Sûrement qu'il le sera toujours. Ce n'est pas grave.

Il toque deux coups à la porte et annonce « J'entre ». La poignée ne soumet aucune résistance et le laisse franchir le seuil.

L'homme ne peut s'empêcher de sourire face au capharnaüm qui règne dans la pièce. Des vêtements plutôt sales que propres jonchent le sol, des affaires de cours et des cartouches de console de jeu envahissent le bureau et le tapis adjacent, et les murs sont couverts de posters de joueurs de foot. C'est bien une chambre d'ado.

Son regard dévie sur le lit. La silhouette d'Aitor, recroquevillé sur lui-même, lui tourne le dos. Xavier s'avance doucement et vient s'asseoir sur la couverture à motifs bleus et blancs, le matelas s'affaisse un peu sous lui. Aitor sursaute quand il pose la main sur son épaule, trop gentiment peut-être. Xavier la retire.

« Hé, allez Aitor, qu'est-ce qu'il y a… ? » ce n'est pas la première ni la dernière dispute qu'ils auront, mais cette réaction est inhabituelle.

Le garçon se retourne mais ses yeux hésitent encore. Il ouvre la bouche mais aucun son n'en sort, alors il la referme et serre les lèvres en une ligne très tirée. Finalement, son regard vacille quand il lâche :

« Vous allez me renvoyer à l'École du Soleil ? »

Ça sonne plus comme une certitude, et ça lui brise le cœur. Et quelque part, au fond de lui, Xavier est toujours un enfant et il se sent si seul.
Il voulait être utile à son Père. Aitor veut n'avoir besoin de personne. Il le connaît, ce cri silencieux qui leur déchire la gorge à tous les deux. C'est de ma faute, c'est moi qui suis mauvais ? Il veut lui dire que non, un enfant ne peut pas être mauvais. C'est le rôle d'un ado que d'être cruel, insupportable, et vulnérable. Xavier le tire à lui.

« Tu ne vas nulle part. C'est ici chez toi. »

Alors la colère qui maintenait le garçon debout se fissure, et Aitor fond en sanglots contre sa poitrine. Xavier resserre son étreinte et se fait l'ancre au milieu de la tempête, droit dans la vague qui menace de les renverser. Il contient les soubresauts qui agitent le corps de l'enfant, tellement plus frêle que le sien.

Ils dérivent ainsi quelques minutes, les murs de la pièce autour d'eux comme ses bras autour d'Aitor. Les hoquets s'espacent puis s'apaisent, la vague se retire.

Enfoui dans la chemise maintenant humide de larmes et froissée sous ses poings, Aitor murmure dans une exhalation tremblante :

« Pardon, Xavier.

Xavier caresse les cheveux turquoises, le menton posé sur le haut de son crâne. Il sent le petit corps se redresser, et il relâche doucement sa prise. Ce n'est pas Aitor qui arrivera à le repousser.

- Je t'aime, Aitor.

Le garçon reste encore un peu blotti contre lui alors même qu'il ne le tient plus.

- Moi aussi. »

Aitor fait souvent des cauchemars. Au début, c'était surtout les mêmes, en boucle, de son père lui tournant le dos. Il avait douze ans et il les gérait tout seul. Jordan qui passait dans le couloir et décidait de voir s'il dormait le découvrait tremblant dans son lit, étouffant à grand peines ses sanglots, les yeux écarquillés dans le noir. Il y avait forcément des nuits où il ne le voyait pas. Mais celles où il était là, il restait à son chevet. Sans jamais le toucher, juste là.

Et puis Aitor avait bien voulu qu'il lui apporte un verre d'eau. Même, petit à petit, que Jordan pose une main rassurante sur son dos. Finalement, Xavier finissait par les retrouver endormis au matin, la main de l'enfant serrée sur celle de l'adulte.

Plus tard, Aitor avait appris à quitter son lit, quitter ses terreurs solitaires, pour chercher du réconfort à la source. Xavier grognait de se faire réveiller, mais il lui faisait une petite place au milieu du lit. Ils se rendormaient tous les trois, la chaleur des deux corps autour de lui apaisant le rythme effréné de son cœur.

Puis Aitor avait commencé, parmi les rêves d'angoisse répétitifs, à en faire d'autres plus communs : se faire pourchasser, une attaque de zombies, des aliens jouant au football, l'équipe Raimon dans l'espace…

Il était parfois réveillé par les mêmes vieux cauchemars bien trop réels, et dans ce cas il pouvait se lever et aller se servir un verre d'eau dans la cuisine. De temps en temps Jordan, tiré du lit par les pas pourtant discrets dans le couloir, le rejoignait et se servait un café au milieu de la nuit. « Que je ne te prenne jamais à boire cette horreur. » lui intimait-il.

Ils restaient ainsi dans la cuisine, flottant dans cette temporalité étrange où l'univers paraît distendu. Aitor se doutait quelque part que Jordan était debout pour les mêmes raisons que lui. Il ne lui demandait pas. L'éclairage électrique tenait à distance l'encre de la nuit derrière les fenêtres, quand on a l'impression que les ténèbres pourraient tout engloutir.

Le garçon finissait par retourner se coucher, trop hagard pour râler quand Jordan en profitait pour lui ébouriffer les cheveux.

Donc ce matin, quand il voit la tête affreuse d'Aitor au petit-déjeuner, Xavier ne se prive pas :

« Ouh là, t'as fait un cauchemar cette nuit ?

L'œil torve, le garçon croque dans sa tartine grillée et se masse le front :

- Ouais, horrible, j'ai pas dormi de la nuit.
- C'était quoi ? demande Jordan en remplissant la cafetière. Encore un ballon de foot avec la voix d'Arion ?
- Non, Aitor fronce les sourcils et prend une mine dégoûtée : J'ai rêvé que Gabriel sortait avec Riccardo. »

Sous son regard assassin, ses parents éclatent de rire.

Xavier est dans la cuisine quand il entend deux voix s'élever depuis le salon. Il soupire et essuie ses mains sur le torchon pendu à la chaise, jette un regard désolé aux carottes abandonnées sur le plan de travail. Dans la pièce d'à-côté, Aitor est en train de plaider pour regarder la télé, alors que Jordan lui refuse ce droit pourtant constitutionnel à la Charte des Droits de l'Enfant.

« Allez ! gémit le garçon. Je vais avoir l'air de quoi, quand les autres vont parler du dernier épisode des Guerriers de l'âme à la récré ?
- Eux, ils auront fait leurs devoirs de maths !
- Même pas vrai ! Adé recopie toujours sur Eugène à la dernière minute !
- Donc tu vas recopier sur Eugène aussi ? »

Tandis qu'ils se chamaillent, Xavier s'accoude au chambranle de la pièce et contemple la scène. Quelque chose le frappe, là, à les écouter échanger les mêmes banalités que tant d'autres avant eux. C'est une évidence qu'il sait déjà, mais qui le saisit toujours à des moments incongrus. Inconséquents, classiques, rien de grandiose. Mais l'air autour de lui change, ses yeux s'ouvrent. Son cœur le lance, mais c'est agréable.

Oh. Il a un enfant.

Il y a des nuits où c'est Xavier qui reste immobile dans le lit, incapable de trouver le sommeil. Des nuits où, malgré lui, malgré tout, les fumées des vieilles angoisses s'immiscent dans les failles de son corps d'adulte.

Parfois c'est à cause du travail qu'ils font au QG de la Résistance, à assister à d'innombrables gamins manipulés pour un but plus grand qu'eux. Parfois c'est dû à un détail insignifiant dans la façon que la lumière de la lune a de frapper juste au bon moment son visage dans la vitre. Parfois il n'y a pas d'explication, c'est comme ça.
Son corps redevient un champ de bataille, pétrifié dans les draps blancs. L'enfant en lui prend toute la place et le jette hors de lui. Il ne peut qu'assister, subjugué, aux peurs qu'il tient d'habitude sous clef l'enfermer dans son propre esprit.

Parfois le poids du corps de Jordan contre lui ne suffit pas à l'ancrer dans le présent, l'aspérité de ses phalanges entre les doigts de Xavier n'est pas assez pour le défaire du passé qui le prend à la gorge.

Quand il suffoque et que les étoiles brillent soudain améthyste, il se souvient et conjure le sort. Je suis un père. Je suis un père.

[ inazuma eleven|archive ]

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