For the sin of swallowing the sun.

Peu à peau

Spirou & Fantasio - 06/06/2022

1,084 mots.

    Les deux aventuriers sont habitués aux bosses, aux blessures, même graves. Habitués aussi, à tirer son ami à soi pour éviter un danger, aux soins, au corps de l'autre contre le sien. Ils n'y prêtent pas attention, ça s'inscrit dans la peau comme la chaleur du feu de camp autour duquel ils sont assis.

Commentaire de l'auteur.e:
Comment expliquer cette fic ? Ben je me suis mis à lire Spirou et Fantasio en 2022, voilà... Et j'adore leur relation à mi-chemin entre deux choses, en équilibre, qui ne s'assume jamais complètement (Yann et Tarrin expliquez-moi pourquoi Fantasio est jaloux de Seccotine dans Le Tombeau des Champignac. J'attends.) J'aurais voulu écrire plus sur eux mais c'est toute l'inspiration que j'ai pu tirer. Mais visitez mon tumblr pour plus de contenu, je nettoie et recolorie certaines pages en j'en suis très fier !

J'adore la proprioception et le cénesthésique, j'adore écrire sur la proprioception et le cénesthésique (au cas où ça vous aurait échappé), voici 947 mots sur la proprioception et le cénesthésique, et beaucoup de virgules. Bisous.

Disclaimer : Spirou & Fantasio appartient aux éditions Dupuis.

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Leur peau est plus souvent marquée par les ecchymoses que rose et lisse. C'est une habitude qui s'est peu à peu imposée à eux, fatalité de la vie d'aventuriers dans laquelle ils se sont embarqués. Sauter dans le premier avion pour un pays au nom étrange, pour y aller renverser on-ne-sait quel dictateur ou dénicher quelque trésor perdu, ne se fait pas sans son lot de blessures à l'arrivée.

Spirou et Fantasio connaissent tous les deux très bien les bleus aux tibias, les cicatrices pâles sur l'épiderme bronzé par le soleil, voire les poils roussis quand il faut échapper au-devant d'une explosion ou d'un incendie.

Ils connaissent aussi la lourdeur moite de la jungle qui fait peser une pellicule de sueur sur leurs fronts et leurs épaules, tandis que la manche en bois rugueux de la machette laisse des ampoules sur la paume de celui qui leur fraie un chemin dans la végétation. Ils plissent les yeux sous le sable volant du désert, le coton de leurs drapés balaie leurs joues et leurs bouches dans le vent aride, et les grains de sable brûlant crissent sous leurs pas.

Et à l'extrême opposé : les steppes glaciales de l'Antarctique où la fourrure de leurs capuches leur chatouille le nez, la chaleur de leurs paumes se diffuse à travers les gants quand ils se prennent la main pour ne pas glisser, par réflexe. Ou encore la froideur blafarde de la Lune, quand leurs voix leur parviennent déformées par l'épaisse vitre des scaphandres. Cette fois-là, les combinaisons les avaient bien protégés, mais il avait quand même fallu que Fantasio se torde la cheville sur un caillou lunaire. L'absence de gravité aidant, c'était étrange de ne pas ressentir le poids sur son dos quand Spirou l'avait porté jusqu'à la navette. Ça, il n'était pas habitué.

Il y a des accidents plus graves et miraculeusement plus rares que sont les fractures, conséquences d'une mauvaise chute qui laisse l'un des aventuriers alité, son ami à son chevet pendant de longues semaines de convalescence.
Ou encore, les blessures par balle parce que, râle Fantasio, « Môssieur » Spirou a eu la brillante idée de les parachuter en plein milieu d'un conflit armé. Il râle encore pour étouffer l'angoisse en voyant le groom arborer un gros bandage sur le flanc gauche une fois passé entre les mains des médecins.

Ce genre d'expériences ajoute à leur répertoire les paumes moites et les côtes martelées par le cœur tambourinant sous la panique, le rush d'adrénaline qui les pousse tous les deux à un ultime effort pour tirer leur partenaire hors de danger. Pour s'accrocher, encore un peu, à la lucidité pendant que le plus valide des deux serre le corps blessé contre lui. La dure réverbération du sol dans les os quand l'un se fait traîner sur quelques mètres jusqu'à être à l'abri, tant qu'il le faudra, tant que l'autre le portera même s'il lui faut serrer les dents et goûter le sang sur ses gencives. Combien de fois ont-il frôlé la mort, avec pour seul salut les bras de l'autre ?

Le corps de Spirou lorsqu'il plaque son meilleur ami au sol pour éviter un projectile, le battement de leurs cœurs une vibration assourdie par la chair comme un caisson de basse. Leurs deux corps confondus en une même respiration frénétique, qui rappelle qu'ils sont encore en vie. La poigne de Fantasio autour du poignet de son vieux frère lorsqu'il le rattrape, c'est arrivé souvent, d'une chute mortelle. Les phalanges crispées sur la chair rendue blanche par la pression, leurs tendons saillants forment une corde qui les relie l'un à l'autre. Qui promet : Où que tu ailles, j'irai.

Face à ça, le picotement des petites coupures n'est rien, tout comme la vive mais brève douleur lorsque l'un retire une écharde du doigt de son ami. Ils accueillent comme une vieille connaissance un peu froide le spray d'antiseptique. Suivent les gestes machinaux mais tellement altruistes, de panser les plaies, aplatir le coin du sparadrap de la pulpe du doigt. La douce langueur qui s'installe quand les doigts chauds de leur compagnon de toujours massent pour appliquer la pommade en cercles lents, le contact apaisant et rassurant.

Et s'ils y étaient moins habitués, ils remarqueraient le bourdonnement tranquille du sang à leurs oreilles quand ils se glissent sous les draps à la maison, dans leurs lits respectifs mais en se suffisant de plus en plus d'un seul. Ils partagent déjà tout, qu'est-ce que ça changerait ? Leurs respirations sont déjà mêlées lorsqu'ils s'endorment.

C'est peut-être pour cela, à force de vivre en unisson, que Spirou ne se pose pas de question quand ses joues chauffent ou que son cœur s'emballe sans raison. C'est une habitude de plus à sa liste. Les sensations s'inscrivent dans sa peau, elles attendent. Patiemment.

Et ce soir, dans l'orangé du feu de camp, la chaleur des flammes lèche sa peau et s'y imprime pour veiller même lorsque le journaliste éteint les braises. Il s'installe, comme tant de fois avant et tant de fois après, contre Fantasio qui dort déjà entre les racines d'un grand arbre. Les bruits de la jungle sont à mille lieux du paisible bruissement des feuilles à Champignac, mais le chant des grillons est le même, et le souffle stable de Fantasio le berce. La chaleur de sa peau se diffuse à la sienne.

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